Physique

Les découvertes se succèdent au CERN

À partir des données recueillies au LHC (Large Hadron Collider) du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) entre 2010 et 2012, les équipes de l’expérience LHCb (Découverte n° 376, sept.-oct. 2011, p. 24-35) viennent de découvrir deux nouvelles particules de la famille des baryons. Ces derniers sont des particules constituées de trois quarks liés par la force forte. Les plus connus sont le proton et le neutron. Les deux nouvelles particules, baptisées Ξb et Ξb*, ont une masse plus de six fois supérieure à celle du proton. Elles correspondent aux prédictions de la chromodynamique quantique (QCD), qui fait partie du Modèle standard de la physique des particules, théorie décrivant les particules fondamentales de la matière et la manière dont elles interagissent entre elles (se reporter à l’article de Kamil Fadel et Gilles Cohen-Tannoudji de ce numéro). Pour les physiciens aujourd’hui à la recherche d’une nouvelle physique, au-delà du Modèle standard, il est capital d’avoir une bonne image de ce dernier et donc d’affiner les connaissances de la dynamique des quarks dont les modèles sont difficiles à calculer. Tester la QCD à une haute définition, comme le fait LHCb, permettra dans l’avenir de faire la différence entre les effets relevant du Modèle standard et tout nouvel élément qui pourrait apparaître. HUBERT DESRUES

Pour en savoir plus
: dernières nouvelles du CERN

Physique

Rides éoliennes sur dunes de sable

Sur Mars comme sur Terre, des rides éoliennes se forment sur les dunes de sable. Une étude réalisée par un laboratoire de l’ESPCI ParisTech (École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris) vient apporter un nouvel éclairage sur le processus de formation de ces structures. Comment ces motifs peuvent-ils être si parfaitement ordonnés tandis que l’espacement des rides est bien plus grand que la taille des grains de sable ? Dans le nouveau modèle établi par les chercheurs, les grains de sable emportés par le vent bousculent, lorsqu’ils retombent, des grains immobiles du lit de sable. Ces derniers effectuent alors de petits sauts majoritairement vers le haut, s’accumulent et forment la crête des rides. Les grains qui contribuent le plus à la croissance des rides sont ceux qui atterrissent à peu près au même endroit que d’où ils sont partis, mais sur la ride suivante en aval du vent et ainsi de suite. Ce nouveau modèle prédit que l’espacement entre les rides et la vitesse de leur avancement augmentent linéairement avec la force du vent. De plus, ce modèle établit un rapport entre la longueur d’onde (distance entre deux bosses), leur vitesse de propagation et le flux de sable transporté par le vent, une équation permettant de calculer les transports de sable qui se produisent aussi bien sur Terre que sur Mars à partir de simples photographies à haute définition. H. D.

Pour en savoir plus : actualités de l'ESPCI ParisTech

Physique

Voyage au cœur d’une pile à combustible

Dans une pile à combustible, l’électricité est produite sur les électrodes, dans une couche ultrafine de polymère conducteur. Tous les réactifs chimiques sont acheminés vers cette nanocouche pour être mis en contact avec le catalyseur qui permet la réaction : le platine. L’épaisseur de cette couche peut varier de 5 à 10 nanomètres (10–9 m). Idéalement, pour optimiser les performances de la pile, elle doit être fine et continue. Or, jusqu’à ce jour, elle n’avait jamais été observée. Plusieurs laboratoires associant le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’université de Grenoble Alpes et l’université Joseph-Fourier viennent de mettre au point un moyen de visualisation par microscopie électronique en transmission permettant de déterminer avec précision l’épaisseur de la couche et son taux de recouvrement de particules de carbone. Il devient possible ainsi d’avoir accès aux données indispensables pour contrôler la fabrication de ces éléments qui sont au cœur des piles à combustible afin d’en améliorer le fonctionnement. Cette technique constitue une aide précieuse pour la recherche et développement dans le domaine des piles à combustible. H. D.

Pour en savoir plus
: communiqué de presse du CEA

Physique

Une épreuve pour la relativité générale

L’ONERA (Office national d’études et de recherches aérospatiales) vient de livrer au CNES (Centre national d’études spatiales) l’instrument T-SAGE (Twin Space Accelerometer for Space Gravity Experiment) qui, une fois placé en orbite à 710 km autour de la Terre, éprouvera la relativité générale. La finalité de l’engin, un double accéléromètre différentiel, est de tester le Principe d’équivalence (PE), dit d’universalité de la chute libre dans le vide. Schématiquement, l’expérience se décrit comme suit. Deux masses de matériaux différents placées à l’intérieur d’accéléromètres sont accélérées pour être maintenues sur une même trajectoire par des contrôles électrostatiques. Si une divergence se manifeste sur les accélérations appliquées aux deux masses, il y a violation du PE... et nos théories de la gravitation doivent être reconsidérées. On comprend que l’enjeu est de taille pour les physiciens. T-SaGE sera installé au coeur du satellite MICROSCOPE (Microsatellite à traînée compensée pour l’observation du Principe d’équivalence). La précision de la mesure sera de 10–15. Certains chercheurs pensent qu’en dessous d’une précision de 10–14, une violation va apparaître. Fruit d’une collaboration entre l’ONERA, l’Observatoire de la Côte d’Azur, le CNES et ZARM Technik (Brême, Allemagne), MICROSCOPE devrait être lancé en 2016. H. D.

Pour en savoir plus : site de la mission MICROSCOPE de l'ONERA

Chimie

Nouveau procédé de raffinage de la biomasse

Les traitements de la biomasse pour produire un biocarburant, des biomatériaux ou des biomolécules utilisent actuellement des procédés chimiques onéreux, gourmands en eau et en énergie, qui produisent des effluents toxiques à retraiter. L’INRA (Institut national de la recherche agronomique) vient de mettre au point un procédé totalement nouveau de fractionnement par voie sèche de la biomasse végétale. La biomasse, paille de blé ou de riz, est d’abord broyée de façon ultrafine avant d’être soumise à une séparation électrostatique. Au terme de ce tri, différentes fractions enrichies en cellulose, très accessible aux enzymes, et en composants comme la lignine ou les hémicelluloses sont récupérées. La lignine trouve des débouchés comme combustible, mais aussi en chimie pour fabriquer des agents dispersants, des produits nettoyants, des encres ou des polymères... Les hémicelluloses sont utilisées pour leur part aussi bien dans des additifs alimentaires qu’en cosmétique, dans l’industrie pharmaceutique ou encore la fabrication de matières plastiques. Objet d’un brevet, ce procédé peut s’appliquer au bois, aux sous-produits agricoles ou à des cultures lignocellulosiques dédiées. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'INRA ; document ValBiom

Environnement

Éliminer les déchets d’amiante

Le retrait de l’amiante de notre environnement, et principalement des bâtiments, ne l’élimine pas pour autant. Que faire des déchets récupérés sur un chantier de dépollution ? Un département de l’université de Bologne (Italie) vient de proposer un procédé innovant, plus spécialement destiné à retraiter les matériaux dits amiante-ciment, en utilisant du lactosérum. On fait réagir d’abord à température ambiante les déchets (amiante + ciment) avec dix fois leur masse de lactosérum. La réaction produit du dioxyde de carbone (CO2), de l’eau et des ions calcium, et libère des fibres d’amiante qui se déposent au fond du réacteur. Elles subissent ensuite un traitement particulier pendant 4 heures à une température de 150 à 180 °C. Il ne reste plus alors qu’une solution d’ions métalliques récupérables par tri électrochimique, des phosphates et silicates utilisables comme engrais. Actuellement, la France procède soit à des stockages souterrains, soit à des vitrifications à haute température. En 2011, elle avait été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour ses manquements en matière de traitement des déchets d’amiante-ciment. H. D.

Pour en savoir plus : actualité des Bulletins électroniques

Neurosciences

Le cerveau et le toucher

Comment fait le cerveau pour distinguer la texture des objets au toucher ? Pour le comprendre, une équipe associant l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l’ENS (École normale supérieure) et le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) s’est livrée à une série d’expériences sur des souris. Pour toucher, cet animal se sert de ses longues moustaches, les vibrisses, avec lesquelles il explore son environnement. Elles sont comparables à la main pour l’Homme et permettent de percevoir des formes, textures et dimensions. En utilisant l’optogénétique, une technique de stimulation de neurones rendus sensibles à la lumière (Découverte n° 385, mars-avril 2013, p. 32-41), les chercheurs ont mis au jour un circuit fonctionnel entre le cervelet et les cortex sensoriel et moteur. Les boucles de ce circuit établissent des interactions qui adaptent et ordonnent les mouvements du corps selon les besoins pour distinguer ce qui est touché et en percevoir la texture. Les chercheurs espèrent que cette découverte pourrait avoir des retombées sur la compréhension et le traitement d’affections, comme la maladie de Parkinson qui déclenche des mouvements involontaires. H. D.

Pour en savoir plus : brève de l'INSERM

Neurosciences

La plasticité insoupçonnée du cerveau humain

Lorsque nous apprenons quelque chose, de nouvelles connexions se créent dans le cerveau entre nos cellules nerveuses. Mais en phase d’apprentissage, nous avons besoin également d’augmenter notre production de myéline afin d’accélérer la vitesse de circulation des influx nerveux. Cette substance qui gaine les fibres nerveuses est produite au niveau du cerveau par des cellules nommées oligodendrocytes. Des expériences réalisées sur des souris et des rats ont montré que si leurs cellules nerveuses avaient besoin de myéline, de nouveaux oligodendrocytes prenaient la place des anciens et entraient en production dès que possible. Une équipe du Karolinska Institutet (Stockholm, Suède) a révélé que chez l’Homme, il en allait tout autrement. À notre naissance, nos oligodendrocytes sont immatures. À l’âge de 5 ans environ, ils arrivent à maturité pour être remplacés ensuite au rythme de 1 sur 300 par an. Nous gardons donc la plupart de ces cellules toute notre vie. Chez l’Homme, les oligodendrocytes existants modulent leur production de myéline tout au long de la vie sans dépendre d’un phénomène de remplacement. C’est probablement ce qui lui permet d’adapter ses besoins en myéline plus rapidement et d’apprendre plus vite. H. D.

Pour en savoir plus : actualité du Karolinska Institutet

Médecine

Les bienfaits méconnus du yaourt

Un probiotique est un microorganisme qui, ingéré vivant en quantité suffisante, développe des effets bénéfiques sur la santé. Les produits laitiers fermentés tels les yaourts contiennent une grande quantité de bactéries vivantes. Lancé en 2008, le programme européen MetaHIT (Metagenomics of the Human Intestinal Tract) a livré un ensemble de données sur le microbiote humain, ou flore intestinale, et a permis de développer les outils nécessaires pour l’étude de ce milieu bien particulier. Grâce à ces avancées, une équipe de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), en collaboration avec Danone Nutricia Research, a pu analyser avec précision les effets d’un produit laitier fermenté contenant des probiotiques sur les bactéries intestinales. Sur un échantillon de 28 personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable qui touche 20 % de la population adulte des pays industrialisés, les chercheurs ont constaté la production en quantité de bactéries qui leur faisaient défaut et semblent intervenir dans une amélioration de leur état de santé. Parallèlement, ils ont observé la diminution d’une autre bactérie suspectée d’être impliquée dans le développement de maladies intestinales. Un premier décryptage des bienfaits d’un aliment que les humains consomment depuis 12 000 ans. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'INRA

Biologie

Les dauphins sensibles au magnétisme

Plusieurs espèces animales utilisent leur perception du champ magnétique terrestre afin de s’orienter pendant leurs déplacements. Pour les mammifères marins, aucune preuve expérimentale ne pouvait confirmer leur sensibilité à un champ magnétique. Une équipe du Laboratoire d’éthologie animale et humaine de Rennes s’est livrée à une expérience sur six dauphins adultes captifs d’un parc animalier. Les chercheurs ont présenté aux animaux deux bidons d’aspect, de taille et densité en tous points identiques, mais de champs magnétiques différents. L’un était démagnétisé, l’autre pourvu d’un puissant aimant de 1,2 tesla. Les deux bidons étaient perforés afin que l’aimant soit en contact direct avec l’eau du bassin. Soixante sessions expérimentales de 15 minutes chacune ont été filmées. Au hasard, l’un des deux bidons était présenté aux dauphins. L’analyse des enregistrements réalisée par une personne non informée sur les caractéristiques magnétiques des objets révèle que les dauphins s’approchent plus vite quand le bidon présenté contient l’aimant. Pour la première fois, une expérience montre que les dauphins opèrent une discrimination magnétique. Il reste à prouver qu’ils puissent être sensibles au champ géomagnétique dont l’intensité est considérablement plus faible (4,5 microteslas, 1 μT = 10–6 T) que l’aimant utilisé pour l’expérience. H. D.

Pour en savoir plus : site du CNRS

Écologie

Poissons, Méditerranée et changement climatique

En Méditerranée, une centaine d’aires marines protégées (AMP) assurent par essaimage le maintien des espèces exploitées pour la pêche sur le plateau continental. Aujourd’hui, la capacité de déplacement des espèces entre ces aires, ou connectivité, se révèle insuffisante. Pour améliorer le dispositif, il devient nécessaire de renforcer le réseau des aMP. afin de déterminer la localisation des nouvelles aires, les chercheurs de l’IRD (Institut de recherche pour le développement), d’Aix-Marseille université, de l’université de Montpellier 2, du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et de Météo-France ont voulu savoir quelle influence aura le réchauffement climatique prévu d’ici la fin du siècle (+2,8 °C) sur cet écosystème. Les études ont montré que les changements de direction et de vitesse des courants marins, ainsi que les modifications dans la saison de reproduction auront peu d’influence sur la dispersion des larves. En revanche, la durée de vie des larves pourrait être réduite, diminuant de 3 % l’étendue des surfaces essaimées, soit près de 3 millions d’hectares actuellement exploités. À l’inverse, certaines espèces tireraient profit de cette augmentation de température, comme le mérou brun qui pourrait coloniser le Nord de la Méditerranée. H. D.

Pour en savoir plus
: communiqué de presse du CNRS

Sciences de la Terre

Des turbulences dans le noyau externe terrestre

La Terre produit son propre champ magnétique par effet dynamo grâce aux mouvements d’un fluide conducteur d’électricité entourant le noyau interne constitué d’un métal solide. Ce fluide de fer et de nickel fondus forme le noyau externe. En mouvement constant, il est animé par deux types de déplacements. Certains, sur de grandes distances, génèrent le champ magnétique ; d’autres, sur de courtes distances, s’apparentent à des turbulences. Les effets de ces dernières restaient inconnus. Les chercheurs de l’Institut des sciences de la Terre à Grenoble ont eu l’idée de modéliser le noyau externe en confinant 40 litres de sodium liquide entre deux sphères concentriques de métal mises en rotation. Grâce à un aimant placé dans la sphère centrale, le sodium se trouve dans les mêmes conditions que le liquide du noyau externe terrestre : en rotation et soumis à un champ magnétique. Cette expérience baptisée « Derviche Tourneur Sodium » a permis de montrer que les turbulences, contrairement à ce que l’on pensait, amplifient le champ magnétique. Cette découverte pourrait nous permettre de comprendre pourquoi le noyau métallique liquide de Vénus ne produit pas de champ magnétique, mais aussi pourquoi le champ magnétique terrestre s’inverse selon des périodes irrégulières. H. D.

Pour en savoir plus
: communiqué de presse du CNRS