Science de la matière

L’énigme du xénon manquant

Les gaz rares comme le xénon ne peuvent former de liaison chimique avec un autre atome. Mais l’atome de xénon présente la particularité d’être gros. Or, plus les atomes des gaz rares sont gros, moins leurs électrons externes sont liés au noyau, ce qui facilite leur évasion et leur permet
de se lier à d’autres éléments, tel l’oxygène. Depuis 1960, les chimistes savent synthétiser des oxydes de xénon, mais ceux-là se révèlent instables. Cependant, des calculs laissent penser qu’ils deviendraient stables sous haute pression. Le xénon intéresse les chercheurs car il est très rare dans l’atmosphère terrestre et relativement abondant dans les météorites semblables à celles qui formèrent la Terre jadis. Le xénon manquant pourrait être stocké sous haute pression dans les profondeurs de la Terre. L’oxygène étant l’élément le plus abondant dans le manteau terrestre, des scientifiques du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ont soumis un mélange xénon-oxygène à une pression de 1 million d’atmosphères, obtenant deux oxydes de xénon inconnus. Des calculs suggèrent que ces oxydes pourraient être stables à partir de 0,5 million d’atmosphères. Dans certaines conditions, le xénon serait bien plus réactif que prévu et il est possible que sa masse manquante soit stockée au plus profond de la Terre. HUBERT DESRUES

Pour en savoir plus
: communiqué de presse du CEA

Physique

Ondes gravitationnelles, deuxième

Le 26 décembre 2015, les deux détecteurs d’Advanced LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) ont enregistré un second événement d’ondes gravitationnelles. Plus faible que le premier perçu le 14 septembre 2015, ce dernier est fiable tout de même à 99,999 99 % ! Une fois encore, deux trous noirs, au moment de leur fusion, sont à l’origine de ce sursaut d’ondes gravitationnelles. Leurs masses ont été évaluées respectivement à 8 et 14 fois celle du Soleil, contre 29 et 38 en septembre. Les deux entités étant plus petites, l’événement a duré plus longtemps. Le signal s’est étiré sur 1 seconde environ contre 0,2 seconde la première fois. La fusion s’est produite il y a 1,4 milliard d’années. Ce second événement suggère que les couples de trous noirs seraient relativement nombreux. Plusieurs hypothèses sont proposées pour expliquer l’existence de tels objets doubles. S’agit-il d’un couple d’étoiles ayant chacune évolué en trous noirs ou d’un trou noir qui en capture un autre ? Quand Advanced LIGO, aux États-Unis, et Advanced Virgo, en Italie, auront redémarré à l’automne 2016, il sera possible sûrement de travailler sur un plus large échantillon d’événements pour expliquer la nature de ces trous noirs. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse du CNRS

Physique

Une bobine supraconductrice plus puissante

La supraconductivité, état dans lequel se retrouvent certains matériaux à très basse température, permet le transport d’un courant électrique sans perte et rend la création de champs magnétiques puissants possible. Ces derniers sont utilisés par certaines techniques d’imagerie médicale telles que l’IRM (imagerie par résonance magnétique) ou dans le domaine de la recherche pharmaceutique ou chimique. Aujourd’hui, les bobines supraconductrices les plus puissantes produisent un champ magnétique de 23,5 teslas (T), comme celle installée au Centre européen de résonance magnétique nucléaire à très haut champ, à Lyon. Pour repousser cette limite à 25 T, des chercheurs de l’université de Genève (UNIGE) ont amélioré une bobine supraconductrice produisant initialement un champ de 21 T. Et ce, grâce au choix d’un supraconducteur innovant, une céramique à base d’oxyde de cuivre portée à 4,2 kelvins (–269 °C). Cette bobine de 25 T sera intégrée au Laboratoire de supra-conductivité appliquée de l’UNIGE. Elle est à ce jour la plus puissante d’Europe. La bobine non destructive la plus puissante au monde se trouve à Los Alamos, aux États-Unis. Elle délivre 70 T, mais pendant 20 millisecondes. H. D.

Pour en savoir plus
: news de Techno-Science.net

Physique

Du son pour déplacer des particules

Dans le monde des nano- et microdimensions, la manipulation d’objets microscopiques sans contact revêt une importance particulière. Une équipe de chercheurs du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) et de l’université Grenoble Alpes a mis au point un nouveau procédé de manipulation dynamique des micro- ou nanoparticules à l’aide de vibrations sonores. En utilisant le phénomène dit de vent acoustique, ils ont déplacé des microbilles afin de les disposer selon des motifs prédéfinis. Si le procédé est connu depuis la fin du XVIIIe siècle (Découverte n° 397, mars-avril 2015, p. 44-51), la nouveauté tient dans le déploiement d’un appareillage à l’échelle micrométrique fonctionnant en milieu liquide. Le système ressemble à un tambour de 1 millimètre de diamètre, recouvert d’une membrane épaisse de 6 micromètres (10–6 m), le tout disposé au fond d’un puits gravé dans un support de silicium. La vibration sonore est produite par un dispositif piézoélectrique capable de fournir des fréquences de résonance bien définies. Ce dispositif pourrait faire gagner beaucoup de temps dans certaines analyses biologiques, notamment en déplaçant précisément et sans contact des cellules ou bactéries pour les agencer selon des motifs réguliers, facilitant leur comptage ou observation. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse du CEA

Biologie

Foie et intestin contrôlent la flore intestinale

Des milliards de bactéries peuplent nos intestins. Elles ne doivent pas franchir la barrière de la paroi intestinale, sous peine de causer des dommages à notre organisme. Les lymphocytes B dits plasmocytes sécrètent une variété d’anticorps dans l’intestin, les immunoglobulines A (IgA), qui, en se fixant aux bactéries, les empêchent de passer dans le sang. Mais quelques-unes franchissent tout de même la paroi intestinale. L’équipe Immunité des muqueuses, vaccination et biothérapies du Centre international de recherche en infectiologie à Lyon vient de découvrir que pour neutraliser ces insoumises, l’intestin mobilisait le foie. Ils ont constaté que ce dernier, aussi bien chez la souris que l’Homme, contenait un stock important de plasmocytes producteurs d’IgA, dont une partie significative s’attaquait aux bactéries intestinales. Chez la souris, les chercheurs ont montré que ces plasmocytes provenaient de la muqueuse intestinale et avaient migré vers le foie. Chez l’Homme, ils ont mis en évidence aussi qu’un excès de plasmocytes dans le foie pouvait entretenir des maladies hépatiques. Une nouvelle voie thérapeutique s’ouvre ainsi concernant le traitement de certaines maladies du foie, via le contrôle de la migration des plasmocytes de l’intestin vers cet organe. H. D.

Pour en savoir plus
: actualité de l'INSERM

Biologie

Une nouvelle arme contre le staphylocoque doré

Toute forme de vie a besoin de métaux dits biologiques (nickel, cobalt, cuivre, fer, zinc) pour maintenir son équilibre biochimique. Comme tout autre organisme vivant, les bactéries doivent puiser ces métaux dans leur environnement proche. Il est fréquent que l’hôte des bactéries pathogènes ne puisse leur offrir qu’un milieu peu riche en métaux essentiels. Une équipe, composée de chercheurs du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), d’Aix-Marseille Université et de l’université d’Umeå en Suède, vient de mettre en évidence un piège à métaux original baptisé staphylopine chez le staphylocoque doré. Dans un premier temps, trois enzymes s’associent pour constituer une molécule de staphylopine. Dans un deuxième temps, cette dernière utilise un système d’export pour sortir de la cellule bactérienne et capter les métaux essentiels à l’extérieur. Enfin, dans un troisième temps, la staphylopine chargée de métaux est captée à nouveau par la cellule via un système d’import spécifique. Cette découverte permettrait de lutter contre des bactéries pathogènes en les privant des métaux essentiels, indispensables à leur survie et leur multiplication. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'INRA

Médecine

Traquer les tumeurs au bloc opératoire

La société suisse Forimtech, en partenariat avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne et le Centre hospitalier universitaire vaudois, propose actuellement à plusieurs chirurgiens cancérologues en Europe de tester et valider deux sondes miniaturisées et autonomes. La première, dite sonde « Gamma », est une amélioration d’un concept existant utilisé en chirurgie radioguidée. Elle permet de localiser le ganglion sentinelle situé près de la tumeur principale. Trouver ce ganglion est primordial. C’est en son sein que les métastases risquent d’apparaître en premier avant de se répandre dans le corps du malade. Son retrait puis son analyse permettent de connaître l’avancement de la maladie et d’adapter le traitement. La seconde sonde, dite « Beta », constitue une nouveauté. Grâce à elle, il est possible de détecter les plus infimes résidus cancéreux qui pourraient subsister après une opération. En réalité, la sonde traque les positons de la substance traçante injectée au patient avant l’opération et qui s’est accrochée aux cellules cancéreuses. Ce dispositif permet à la fois d’éviter des complications et risques de dissémination du cancer, mais aussi d’affiner la précision des gestes chirurgicaux. H. D.

Pour en savoir plus : news de l'EPFL

Physiologie

L’importance du réseau lymphatique du cœur 

Essoufflement, fatigue et œdèmes constituent les principaux symptômes de l’insuffisance cardiaque. Ils signalent que le cœur ne parvient plus à propulser assez de sang dans les vaisseaux pour subvenir aux besoins en oxygène et nutriments du corps. Une équipe de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à Rouen (Seine-Maritime) s’est intéressée à un autre réseau très présent autour du cœur, le réseau lymphatique, qui transporte des fluides, des cellules immunitaires et draine des déchets cellulaires. Après un infarctus du myocarde, ce réseau subit d’importantes modifications qui altèrent son fonctionnement et conduisent à la formation d’un œdème et une inflammation cardiaque chronique. Les chercheurs ont administré à des rats victimes d’un infarctus un traitement à base de facteurs de croissance visant à stimuler la création de nouveaux vaisseaux lymphatiques au niveau du cœur. Introduit dans des microcapsules biodégradables, le médicament a été injecté de manière très ciblée dans la zone atteinte du cœur. Après trois semaines, le drainage lymphatique de l’organe a été amélioré, entraînant une diminution de l’œdème, l’inflammation et la fibrose cardiaques. Cette recherche ouvre une nouvelle voie dans le traitement des maladies cardiovasculaires. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'INSERM

Agronomie

2016, année internationale des légumineuses

Deux mille seize, année internationale des légumineuses ! Par cette proclamation, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a voulu attirer l’attention sur des plantes bien connues tels le pois, la lentille, le pois chiche, la féverole, le lupin, le soja ou la luzerne. Ces légumineuses présentent de nombreux avantages tant pour l’alimentation humaine, par leurs graines, qu’animale, par le fourrage qu’elles produisent. Naturellement, elles constituent une source importante de protéines végétales, essentielles lorsque les protéines animales manquent, mais aussi pour nourrir une population mondiale croissante. En France, où les légumineuses ont longtemps été délaissées, elles pourraient assurer notre indépendance en protéines végétales. Aujourd’hui, l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) est engagé dans une quinzaine de programmes de recherche sur les légumineuses à graines. Du développement de nouvelles variétés au séquençage du génome du pois, en passant par l’évaluation de scénarios d’insertion de légumineuses dans les systèmes de culture, il s’agit de créer les conditions d’une mise en culture d’une ressource alimentaire respectueuse de l’environnement. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'INRA

Agronomie

Produire de la nourriture dans l’espace

Avant d’engager des Hommes dans des voyages spatiaux de longue durée, de nombreux points restent à régler, dont la nourriture. Impossible de miser sur un ravitaillement venu de la Terre. Actuellement, le consortium MELiSSA (Micro-Ecological Life Support System Alternative), piloté par l’Agence spatiale européenne, réalise diverses expérimentations. À Barcelone (Espagne), des chercheurs font respirer des rats en circuit fermé. Le dioxyde de carbone rejeté par leur respiration est utilisé pour produire de l’oxygène par photosynthèse grâce à des microalgues placées dans un photobioréacteur. Le système est capable aujourd’hui d’adapter sa production aux besoins des animaux. À Brème (Allemagne), les scientifiques préparent un satellite expérimental dans lequel pousseront des tomates. Premier défi, leur fournir en permanence eau, solutions fertilisantes et température idéale. Second défi, leur indiquer dans quel sens pousser, donc recréer une pesanteur minimale pour les orienter de bas en haut. À Brème toujours, une équipe travaille aussi sur le recyclage des déjections humaines pour arroser et fertiliser les plantes dans des conditions sanitaires sécurisées. Au final, seuls plusieurs systèmes en boucle fermée permettraient d’assurer une large partie des besoins physiologiques des Hommes lors des vols spatiaux de longue durée. Mais tous les problèmes de survie ne seraient pas résolus pour autant. H. D.

Pour en savoir plus : actualité de l'ESA

Climatologie

Influence des nuages sur le climat

L’expérience CLOUD (Cosmics Leaving Outdoor Droplets), menée au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), cherche à explorer le lien entre les rayons cosmiques et la formation des nuages atmosphériques. Une série d’expérimentations récentes visait à déterminer le rôle respectif des rayons cosmiques et de l’acide sulfurique dans la formation des nuages. En effet, la vapeur d’eau nécessite des noyaux de condensation auxquels s’accrocher pour former des gouttelettes, et donc des nuages. Jusqu’à présent, les chercheurs pensaient que l’acide sulfurique, produit notamment par la combustion des carburants fossiles, constituait la principale source de noyaux de condensation. CLOUD montre qu’en l’absence d’acide sulfurique, et en présence de rayons cosmiques, les vapeurs organiques issues des arbres peuvent atteindre une taille suffisante pour créer des nuages. Ces observations suggèrent que le rôle des rayons cosmiques a été sous-estimé et que les nuages ont pu être plus abondants que prévu par le passé. Ces observations expérimentales restent à intégrer dans les futures modélisations climatiques. H. D.

Pour en savoir plus
: actualité du CERN

Climatologie

Seuil record de CO2 dans l’hémisphère sud

Située dans l’océan Indien à égale distance de l’Afrique du Sud et de l’Australie, l’île française d’Amsterdam accueille un observatoire du climat qui collecte des données sur la concentration en dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère depuis 35 ans. Au printemps 2016, pour la première fois, le seuil des 400 ppm (partie par million – 1 ppm correspond à 1 cm3/m3 d’air) a été franchi. Or, il est reconnu que ce site, très éloigné de toute activité humaine, bénéficie d’un air parmi les plus purs de la planète. Dans l’hémisphère nord, les 400 ppm ont été dépassés pendant l’hiver 2012-2013. Avec cette nouvelle mesure provenant de l’île d’Amsterdam, il semblerait que cette valeur soit atteinte sur l’ensemble de la planète. Depuis 1981, l’observatoire d’Amsterdam a constaté une augmentation moyenne du taux de CO2 de 1,75 ppm par an, qui va en s’accélérant. Depuis 2012, la croissance observée s’établit à 2 ppm par an contre 1,30 par an dans les années 1980. Ces résultats ont été obtenus par une équipe du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, qui développe l’un des programmes scientifiques mis en œuvre par l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor sur l’île. H. D.

Pour en savoir plus
: actualité de l'institut Pierre-Simon-Laplace