Physique

Nouvelle victoire pour la relativité générale

Les physiciens sont en quête d’une voie de recherche leur permettant d’aller au-delà des théories prévalant depuis un siècle. Si les théories alternatives à la relativité générale sont nombreuses, pour que l’une d’elles s’impose, il faudrait la preuve qu’Einstein s’est trompé quelque part. L’un des principes fondateurs de la relativité générale, le principe d’équivalence, affirme que dans le vide, les corps tombent avec la même accélération. Certains physiciens pensent que si l’on parvient à mesurer les accélérations de corps différents dans le vide avec une précision de quatorze ou quinze décimales, une différence pourrait apparaître. En avril 2016, l’Europe mettait sur orbite terrestre MICROSCOPE (Microsatellite à traînée compensée pour l’observation du principe d’équivalence) (Découverte n° 396, janv.-fév. 2015, p. 03) afin de tester cette hypothèse. L’expérience a rendu un premier verdict. À une précision de 2 × 10–14, les corps tombent dans le vide avec exactement la même accélération, mesure effectuée sur 1 900 orbites représentant une chute libre de 85 millions de kilomètres. Les instruments embarqués de MICROSCOPE fonctionnant au-delà des espoirs mis en eux, l’expérience se poursuit pour atteindre, si possible, une précision de quinze décimales. HUBERT DESRUES

Pour en savoir plus
: communiqué de presse du CNRS

Astrophysique

Un chasseur de planètes de haute précision

Pour découvrir des exoplanètes aussi petites que la Terre, il faut disposer d’outils puissants et précis. Le spectrographe ESPRESSO (Echelle Spectrograph for Rocky Exoplanet and Stable Spectroscopic Observations) installé sur le VLT (Very Large Telescope) européen au Chili répond à ces critères. C’est le premier instrument capable de capter et utiliser la lumière des quatre télescopes de 8 mètres du site, ce qui équivaut à un instrument de 16 mètres de diamètre. Ce spectrographe doit détecter les variations infimes de la vitesse des étoiles, qui marquent la présence d’une planète dans leur voisinage. ESPRESSO, affichant une précision dans la mesure de vitesse radiale des étoiles de quelques centimètres par seconde, succède à HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher), qui avait une précision de 1 mètre par seconde. ESPRESSO pourra détecter et mesurer la masse de planètes telluriques de la taille de la Terre. ESPRESSO aura également d’autres missions. Il sera l’outil le plus puissant et le mieux adapté pour tester l’invariabilité des constantes de la physique depuis l’origine de l’Univers. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'ESO

Physique

Vers une redéfinition du kilogramme

Depuis une vingtaine d’années, la communauté scientifique de la métrologie souhaite redéfinir le kilogramme. Parmi les sept unités du système international (SI), le kilogramme demeure le seul à être défini par rapport à un objet : un cylindre métallique fabriqué en 1889. Or cet étalon a perdu déjà 50 microgrammes, le poids d’un cil, et il continuera à perdre du poids. En 2014, la Conférence générale des poids et mesures a décidé de redéfinir le kilogramme en fonction de la constante de Planck, l’un des nombres fondamentaux de l’Univers qui met en relation l’énergie d’une particule avec sa fréquence et sa masse. Or la meilleure mesure de cette grandeur dont nous disposons comporte une incertitude parmi les plus élevées des constantes physiques. Le Bureau international des poids et mesures réclame donc que trois mesures soient effectuées avec une incertitude inférieure à 50 × 10–9, et à 20 × 10–9 pour l’une d’elles au moins. À ce jour, deux méthodes permettent une telle précision. La première consiste à compter le nombre d’atomes contenus dans une sphère de silicium 28 (28Si) de masse identique au kilogramme étalon. La seconde utilise une balance du watt qui équilibre des forces électromagnétiques avec une masse, ici celle du kilogramme étalon. Au final, nous disposerons d’un nouveau kilogramme universel immuable, indépendant de l’étalon conservé à Sèvres, mais de même masse. H. D.

Pour en savoir plus
: actualité du CERN

Physique

Tourner et non pas secouer

Quelques milliers de dés empilés de manière aléatoire dans un cylindre peuvent rapidement s’ordonner quasi parfaitement s’ils sont agités par une rotation oscillante plutôt que par des secousses. Des chercheurs de l’université de Navarre, en Espagne, se sont penchés sur le mouvement le plus efficace à imprimer à un cylindre rempli de 25 000 dés orientés de façon aléatoire afin de les ordonner le plus parfaitement possible. Pour ce faire, ils ont étudié la manière dont s’arrangeaient les dés lorsque le cylindre était tourné vigoureusement dans un sens, puis dans l’autre. Ils en ont conclu que l’arrangement le plus compact était obtenu après environ 10 000 inversions du sens de rotation du cylindre, chacune s’effectuant avec une accélération de 0,5 g. Contrairement à l’idée reçue, taper le cylindre sur une surface dure n’est pas plus efficace pour ordonner les dés. En effet, dans ce cas, le système tend à s’équilibrer dans un état de densité intermédiaire moins compact. Toute matière granulaire se comporte comme les dés dans le cylindre. Cette découverte pourrait donc intéresser l’industrie, par exemple celle pharmaceutique pour l’agencement des pilules de médicaments. ÉLISE SCHUBERT

Pour en savoir plus : article de Physical Review Letters

Science des matériaux

Le graphène à la conquête de l’électronique

Le graphène, une forme particulière du carbone connue depuis plus de cinquante ans, nourrit de grands espoirs industriels en électronique. Un projet européen initié en 2014 pour développer une encre au graphène hautement conductrice a été confié à l’université de Cambridge (Royaume-Uni). Le but : produire un additif pour des matériaux semi-conducteurs organiques entrant dans la fabrication d’écrans OLED (diode électroluminescente organique). Aujourd’hui, un laboratoire dédié est né, le Cambridge Graphene Centre, dont une entreprise exploite les découvertes. Alors qu’il y a deux ans on ne savait produire que quelques milligrammes d’encre au graphène par jour, les techniques développées par Cambridge permettent désormais d’en fabriquer des milliers de litres par an. Les nouvelles encres sont très conductrices et peuvent être imprimées sur divers supports avec des propriétés jugées inaccessibles avant le début du projet. Des transistors aux supercondensateurs, en passant par les batteries, les écrans, l’électronique souple ou l’optoélectronique, leurs domaines d’application sont nombreux. Actuellement, leur intégration à des batteries améliorées au niveau de la densité de stockage et de la recyclabilité est en cours, grâce à un financement supplémentaire de l’Europe. H. D.

Pour en savoir plus
: actualité de CORDIS

Science des matériaux

Quand les Hommes de l’âge du bronze façonnaient du fer extraterrestre

En plein âge du bronze, entre 5 000 et 1 200 ans avant notre ère, certaines communautés humaines utilisaient le fer pour façonner quelques-uns de leurs objets les plus précieux. C’était le cas en Égypte pour des perles de fer, ou encore en Chine pour des haches, datant respectivement de 3 200 et 1 200 ans avant notre ère. D’où provenait le métal de ces bijoux ou armes alors que l’Homme ne savait pas extraire le fer de son minerai ? Des observations anciennes portant sur quelques objets avaient estimé que le fer les composant était d’origine extraterrestre, apporté par des météorites. Un chercheur de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie de Paris a voulu déterminer si cette caractérisation extraterrestre pouvait s’étendre à d’autres objets connus fabriqués avant l’avènement de l’âge du fer. Les météorites qui proviennent du cœur de gros astres ont la particularité d’être composées principalement de fer possédant une forte teneur en nickel et cobalt. Cette caractéristique se trouve liée à la formation de ces astres, pendant laquelle le nickel a migré presque entièrement vers le noyau de fer liquide. Il est donc relativement facile de le distinguer du fer. Après analyse de plusieurs objets avec un spectromètre de fluorescence X, il ressort que tous sont bien d’origine météorique. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse du CNRS

Mathématiques

Quinze pentagones pour une solution

Comment couvrir sans chevauchement un mur avec des tuiles d’une seule et même forme dont tous les angles sont inférieurs à 180 degrés ? Ce problème, posé par le mathématicien allemand Karl August Reinhardt (1895-1941) en 1918, vient de trouver sa solution définitive. Reinhardt avait montré que les tuiles en forme de triangles ou de quadrilatères pavent le plan. Il avait prouvé aussi que seules trois formes d’hexagones y parviennent et qu’aucun polygone à sept côtés ou plus ne le permet. Restait le cas des tuiles pentagonales. De 1918 à 2015, plusieurs mathématiciens ont découvert des pentagones répondant au problème. En 1985, le quatorzième était proposé, puis plus rien pendant trente ans. En 2015, un quinzième était annoncé. Mais personne ne savait s’il en existait d’autres. Récemment, Michaël Rao, chercheur au Laboratoire de l’informatique du parallélisme de Lyon, a clos le débat. Il n’existe qu’un ensemble fini de pentagones capables de répondre au problème posé en 1918. Seuls dix-neuf types de pentagones différents ont des valeurs d’angles et des longueurs de côtés qui permettent de satisfaire les conditions nécessaires au pavage du plan sans recouvrement. Quinze sont déjà connus, les quatre autres ne sont que des cas particuliers. Au final, seuls quinze types de tuiles en forme de pentagones permettent donc de recouvrir une surface plane. H. D.

Pour en savoir plus : actualité de Techno-Science.net

Sciences de la Terre

Quand la Terre formait une boule de neige

Au cours du Précambrien, entre 1 000 et 542 millions d’années (Ma) avant notre ère, la Terre a connu plusieurs épisodes de glaciation globale, état nommé Terre boule de neige. Comment s’est-elle sortie de ces emprises glaciaires en quelques dizaines de millions d’années seulement ? La seule énergie solaire aurait nécessité des milliards d’années pour ce faire. Dans les années 1980, était invoqué un réchauffement rapide dû à un puissant effet de serre provoqué par le dioxyde de carbone (CO2) émis par les volcans. Une équipe internationale a étudié deux épisodes Terre boule de neige et propose trois éclaircissements. Tout d’abord, lors de cette période, la répartition des masses continentales au niveau des tropiques a pu favoriser la glaciation totale de la planète. Puis les chercheurs soulignent la complexité des relations entre climat et cycle du carbone. D’autant qu’une partie de la surface des mers est restée libre pendant ces épisodes, autorisant des échanges de CO2 entre océans et atmosphère, modérant l’effet des volcans. Enfin, plusieurs épisodes glaciaires-interglaciaires ont dû se succéder, fragilisant la glace jusqu’à la débâcle. Des dérégulations majeures ont induit dans le passé des fonctionnements de la Terre bien différents de ceux que nous connaissons depuis les débuts du Cambrien, il y a 540 Ma. H. D.

Pour en savoir plus : actualité du CEA

Climatologie

Coup de chaud sur les océans

Il est admis généralement que la température de l’océan profond a diminué d’une quinzaine de degrés au cours des derniers 100 millions d’années. Or une équipe de géochimistes français et suisses pense qu’une erreur s’est glissée dans la manière de procéder aux calculs. En réalité, la température des océans serait restée pratiquement stable durant cette période. Les évaluations effectuées depuis cinq décennies s’appuient sur l’analyse des fossiles de petits organismes marins, les foraminifères. Très abondants dans les sédiments au fond des mers, ces protistes possèdent une coquille dont la teneur en oxygène 18 (18O) dépend de la température de l’eau dans laquelle ils vivent. Tous les calculs effectués partent du principe que la teneur en 18O des coquilles n’a pas été modifiée durant leur séjour sédimentaire. Après plusieurs expérimentations, les recherches actuelles montrent que cette teneur peut changer de manière significative à l’échelle de 100 millions d’années. Vraisemblablement, c’est donc son évolution au cours du temps qui a été mesurée et non l’évolution de la température de l’eau. Les chercheurs se proposent de réévaluer les paléotempératures. Si leur hypothèse se confirmait, les modèles de prévision et d’anticipation du climat à venir s’en trouveraient bouleversés, dans un sens plus dramatique que prévu. H. D.

Pour en savoir plus : actualité de l'EPFL

Médecine

Un champignon pour soigner certaines maladies génétiques

Un champignon comestible, Lepista inversa, pourrait aider à soigner certaines maladies génétiques. Si cette affirmation ne provenait pas de plusieurs instituts et centres de recherche français, elle pourrait ne pas être prise au sérieux. Dix pour cent des patients atteints de maladies génétiques, comme la mucoviscidose, la myopathie de Duchenne ou certains cancers, sont porteurs d’une mutation dite non-sens, qui entraîne l’arrêt prématuré de la synthèse des protéines issues des gènes mutés. Il en résulte incapacité respiratoire ou destruction des muscles ou organes. Plusieurs études sont en cours pour contourner ce « stop » en trompant sa vigilance. Les laboratoires Mécanismes de la tumorigenèse et thérapies ciblées de Lille et Molécules de communication et adaptation des micro-organismes de Paris viennent de montrer que l’extrait de ce champignon comestible, relativement commun, peut restaurer l’expression de gènes humains présentant des mutations non-sens. Des résultats significatifs ont été constatés sur des cellules en culture provenant de malades atteints de mucoviscidose. Un bilan encourageant mais encore éloigné d’éventuels essais sur l’Homme et d’une stratégie thérapeutique. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'INSERM

Médecine

Un probiotique à l’épreuve

En 1917, le médecin allemand Alfred Nissle (1874-1965) isolait, sur le seul soldat de son unité qui ne souffrait ni de dysenterie ni de typhoïde, une souche d’Escherichia coli qui porte le nom aujourd’hui d’Escherichia coli Nissle 1917. Cette bactérie, dont l’efficacité et l’innocuité sont toujours discutées en France, est utilisée mondialement comme probiotique ayant une action sur le microbiote intestinal. Il a été prouvé récemment qu’elle soulageait des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable, une pathologie invalidante touchant 5 % de la population française. Les chercheurs de l’Institut de recherche en santé digestive de Toulouse viennent de décrire le mode d’action du probiotique. Dans l’intestin, la bactérie produit du GABA (acide gamma-aminobutyrique) lié à un acide aminé et à un acide gras. Normalement, le GABA, un neurotransmetteur principal inhibiteur du système nerveux, ne peut franchir seul la barrière intestinale. C’est l’acide gras lié à lui et produit aussi par le probiotique qui lui permet d’atteindre les neurones du système nerveux entérique et diminuer la douleur. Pour les chercheurs, ces conclusions permettent d’envisager la mise au point d’une famille d’antidouleurs puissants entraînant peu d’effets secondaires. H. D.

Pour en savoir plus
: communiqué de presse de l'INRA

Médecine

Des radio-isotopes à la demande

Selon le nombre de neutrons contenus dans son noyau, un élément chimique peut exister sous plusieurs formes. On parle d’isotopes, ou de radio-isotopes quand ils sont radioactifs. Certains radio-isotopes sont utilisés dans des hôpitaux pour diagnostiquer des cancers et des troubles du rythme cardiaque, ou administrer de faibles doses de rayonnement afin de traiter des tumeurs sans léser l’environnement cellulaire. La variété des isotopes employés n’a pratiquement pas de limite. Au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), l’installation CERN-MEDICIS (Medical Isotopes Collected from ISOLDE) s’est donnée pour mission de fournir aux hôpitaux et centres de recherche une vaste gamme de radio-isotopes. Grâce à l’installation ISOLDE (Isotope Separator On-Line Device) qui utilise les protons issus du Booster du Synchrotron à protons, il est possible de créer à la demande des corps instables ayant un excédent ou un déficit de neutrons. CERN-MEDICIS se présente donc à la fois comme un outil industriel de production et un centre de recherche. La première livraison effectuée concerne un radio-isotope du terbium (une terre rare), 155Tb, qui semble promis à un bel avenir pour diagnostiquer le cancer de la prostate. H. D.

Pour en savoir plus
: actualité du CERN