Physique

Cliché du premier cristal de Wigner
 

Pour la première fois, des chercheurs de l’université américaine de Berkeley ont réussi à fabriquer, photographie à l’appui, une glace électronique ou cristal de Wigner. Ce dernier tire son nom d’Eugene Wigner (1902-1995), physicien ayant prédit en 1934 que les électrons, de faible densité, qui traversent normalement les matériaux peuvent se figer sur place à des températures très basses. Le cristal de Wigner est donc une structure stable composée exclusivement d’électrons positionnés de sorte qu’ils ne se repoussent plus, c’est-à-dire en nid d’abeilles. Pour l’obtenir, les chercheurs ont su dompter les particules élémentaires, une véritable prouesse expérimentale. Comment ? En coinçant les électrons, dont la densité a été établie grâce à un champ électrique, entre une couche de disulfure de tungstène et une autre de diséléniure de tungstène. Puis, les chercheurs ont refroidi l’ensemble à une température proche du zéro absolu. Pour photographier cette structure grâce à un microscope à effet tunnel sans qu’elle ne fonde, ils ont recouvert le cristal d’une feuille de graphène. En réalité, c’est l’impression des électrons sur cette dernière qui a été photographiée. MARINE CYGLER

Pour en savoir plus
: actualité de l'université de Berkeley (en anglais)

Physique

Premières images de l’IRM la plus puissante du monde
 

Unique au monde, l’IRM (imagerie par résonance magnétique) à 11,7 teslas (T) du projet Iseult du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) vient de livrer ses premières images d’une précision remarquable. Destiné à la recherche de pointe en imagerie cérébrale pour mieux comprendre les structures et le fonctionnement du cerveau, le scanner IRM permettra d’obtenir des clichés dix fois plus précis qu’avec les appareils trouvés actuellement dans les hôpitaux, dont le champ magnétique varie de 1,5 à 3 T. En septembre 2021, c’est un potimarron qui a inauguré l’instrument aux dimensions elles-mêmes hors norme (5 mètres de long, 5 mètres de diamètre, 132 tonnes). Sa fabrication a nécessité le recours à des innovations de rupture : l’utilisation de fils supraconducteurs pour l’aimant et le refroidissement à –271,35 °C, pratiquement le zéro absolu, permettent d’obtenir un champ magnétique très puissant. La conception et la fabrication de cet imageur unique au monde ont nécessité vingt ans. M. C.

Pour en savoir plus : dossier de presse du CEA

Climatologie

Les sommets inhospitaliers verdissent plus vite
 

Avec l’augmentation marquée des températures estivales en montagne depuis les années quatre-vingt, les plantes colonisent peu à peu les espaces de haute altitude et les sommets verdissent. Ce phénomène présente une dynamique plus rapide au niveau des points chauds de verdissement (greening hotspots en anglais) tels que les massifs alpins de l’Oisans ou du Mercantour. Grâce à l’utilisation d’images satellite des Alpes, des scientifiques du Laboratoire d’écologie alpine (LECACentre national de la recherche scientifique / université Grenoble Alpes / université Savoie Mont-Blanc) ont déterminé que le verdissement affecte principalement les versants pierreux, exposés au nord et situés au-dessus de 2 200 mètres d’altitude. Autrement dit, ce sont les plantes – graminées, arbustes et arbres pionniers – des milieux les plus inhospitaliers qui semblent profiter le plus des changements climatiques en cours. Différents facteurs qui dépendent des conditions locales – comme la durée d’enneigement, la disponibilité en eau, la fertilité et la stabilité des sols, l’activité pastorale – devront être analysés pour mieux comprendre les causes de la variabilité géographique du verdissement. M. C.

Pour en savoir plus
: actualité de l'Institut écologie et environnement du CNRS

Astrophysique

Planète faite du même bois que son étoile
 

L’existence d’un lien entre la composition des planètes rocheuses et celle de leur étoile respective est supposée depuis longtemps. Cette hypothèse vient d’être confirmée partiellement par une équipe internationale. Les astrophysiciens ont mesuré la lumière émise par les étoiles, car elle présente l’empreinte spectroscopique caractéristique de la composition de ces dernières. Quant aux planètes rocheuses, leur densité et leur composition ont été déduites de manière indirecte à partir de leurs masse et rayon mesurés. Pour comparer de façon pertinente les compositions des deux types d’objets célestes, qui sont de nature très différente, il a fallu procéder à un ajustement : les chercheurs ont eu recours à une version refroidie et théorique des étoiles. Ils ont constaté que si le lien supposé est bien établi globalement, certains éléments peuvent être plus abondants que prévu. Le taux de fer, par exemple, est parfois plus élevé dans les planètes que dans leur étoile. Cette anomalie pourrait s’expliquer par des impacts géants avec d’autres protoplanètes, qui auraient détaché la matière légère mais seraient sans effet sur le noyau de fer. M. C.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'université de Berne

Physiologie-médecine

Nouvel antiparasitaire ?
 

Des chercheurs de l’institut Paul-Scherrer (Suisse) ont identifié un composé chimique baptisé parabuline qui pourrait être utilisé comme principe actif contre plusieurs parasites unicellulaires, dont ceux à l’origine du paludisme (Plasmodium sp.) et de la toxoplasmose (Toxoplasma gondii). Cette substance prometteuse empêche la formation de longs filaments protéiques stables de tubuline, indispensables à la réussite de la division cellulaire. Les chercheurs ont constaté qu’en présence de parabuline, le parasite Toxoplasma gondii ne peut pratiquement plus se reproduire dans des cellules humaines. En revanche, la parabuline n’affecte pas ces dernières. La tubuline, présente chez tous les êtres vivants dont les cellules possèdent un noyau, constitue déjà une cible privilégiée des médicaments anticancéreux. M. C.

Pour en savoir plus
: actualité de l'institut Paul-Scherrer

Médecine

Première greffe réussie d’un rein de cochon
 

Une équipe du New York University Langone Transplant Institute (États-Unis) a réalisé avec succès la greffe d’un rein de cochon génétiquement modifié à une femme en mort cérébrale. Plus précisément, le rein est demeuré à l’extérieur du corps de la patiente, relié grâce à deux vaisseaux sanguins. Première mondiale annoncée fin octobre 2021, cette expérimentation a duré 54 heures, ce qui a permis de vérifier que non seulement le rein animal n’était pas rejeté, mais qu’il fonctionnait correctement, c’est-à-dire qu’il produisait de l’urine et que le taux de créatinine dans le sang baissait. En prévision d’une xénotransplantation, les cochons sont modifiés génétiquement de manière que leurs cellules soient dépourvues de sucre alpha-gal à leur surface, afin d’éviter un rejet par l’hôte pour incompatibilité. De plus, la technique des ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9 (se reporter à l’article de Quitterie Largeteau, Découverte n° 435, oct.-déc. 2021, p. 30-39) permet de retirer le matériel génétique du rétrovirus endogène porcin (PERV), qui est intégré dans le génome même du porc. Ainsi, la xénotransplantation ne présente pas de risque de contamination par le PERV. M. C.

Pour en savoir plus : actualité du NYU Langone Transplant Institute (en anglais)

Neurosciences

Le système immunitaire est du matin
 

L’activité du système immunitaire oscille tout au long de la journée, avec un pic en phase de repos juste avant la reprise de l’activité, ce qui correspond à l’après-midi pour les animaux nocturnes et au matin tôt pour les êtres humains. En effet, des biologistes de l’Université de Genève (Suisse) et de l’université de Munich (Allemagne) ont découvert que la migration des cellules dendritiques de la peau vers les ganglions lymphatiques oscille sur une période de 24 heures, en fonction de l’alternance entre le jour et la nuit. Dans les ganglions lymphatiques, les antigènes sont présentés aux cellules dendritiques, ce qui déclenche une réponse immunitaire contre l’agent étranger. Grâce à des cellules de peau humaine, prélevées à différents moments de la journée, les chercheurs ont identifié plusieurs molécules, notamment des chimiokines, qui participent non seulement au processus migratoire, mais dont l’expression est régulée par les horloges circadiennes. Ces travaux mettent en évidence la possible prise en compte du moment de la journée choisi pour la vaccination ou l’administration d’immunothérapies contre le cancer, afin d’en accroître l’efficacité. M. C.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'Université de Genève

Physiologie

Liaison dangereuse dopamine-glutamate
 

Lorsqu’une personne consomme une substance addictive, cette dernière accroît la concentration d’un neurotransmetteur, la dopamine, dans les zones du cerveau impliquées dans le circuit de la récompense. Or l’augmentation de la concentration de dopamine modifie aussi les transmissions qui dépendent d’un autre neurotransmetteur, le glutamate. Des chercheurs de plusieurs équipes françaises viennent d’identifier plus précisément les bases moléculaires de ces modifications : le récepteur de la dopamine et celui du glutamate se lient entre eux, un phénomène nommé hétérodimérisation. Si celle-là est empêchée, cela protège des comportements pathologiques provoqués par la cocaïne, du moins chez la souris. Une nouvelle cible thérapeutique a été découverte peut-être ainsi. Aujourd’hui, aucun traitement pharmacologique efficace durablement contre l’addiction n’est disponible. M. C.

Pour en savoir plus : actualité du Centre national de la recherche scientifique

Chimie-technologie

Des batteries au soufre plus vertes
 

Le soufre peut-il révolutionner la façon dont l’électricité est stockée dans des batteries ? C’est ce que pense une équipe de l’université d’Adélaïde (Australie) depuis qu’elle étudie la chimie du soufre. Cet élément chimique est en train de transformer la conception des électrodes des batteries métal-soufre, car il présente l’avantage d’être très abondant dans l’environnement et de permettre une grande capacité de stockage. Les chercheurs ont montré pour la première fois la possibilité d’une oxydation électrochimique réversible au niveau d’une cathode au soufre. Puis ils ont appliqué cette découverte pour concevoir des piles aluminium-soufre (Al-S), lesquelles sont parvenues expérimentalement à une tension électrique de 1,8 volt. Par comparaison avec les batteries commerciales lithium-ion (Li-ion), cette prochaine génération de batteries est plus économique et a un impact moindre sur l’environnement. M. C.

Pour en savoir plus : actualité de l'université d'Adelaïde (en anglais)

Sciences de la Terre-environnement

D’où vient le mercure de l’océan ?
 

Gaz polluant provenant de la combustion du charbon et des activités minières, le mercure retombe dans l’océan, où il contamine la chaîne alimentaire marine. Contrairement à ce qui était imaginé jusqu’à présent, ce n’est pas sa dissolution dans les eaux de pluie qui contribue majoritairement à l’apport de mercure. Des chercheurs de l’IRD (Institut de recherche pour le développement) et du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ont découvert que l’océan en « respire » une bonne part, c’est-à-dire que le mercure est absorbé par l’océan pour moitié lors d’échanges gazeux. Ils ont mis en évidence ainsi que les plantes terrestres filtrent une partie du mercure transporté par la pluie, mais sans effet sur la baisse de la contamination des poissons pour le moment. Cela dit, de par les engagements de diminution des émissions de ce gaz de la convention de Minamata sur le mercure, entrée en vigueur en 2017, l’observation d’une moindre contamination des poissons, donc un impact positif sur la santé humaine, est attendue. M. C.

Pour en savoir plus : actualité de l'IRD

Paléontologie

Les Hommes préhistoriques ne se reproduisaient pas entre cousins
 

Les mariages entre cousins sont réprouvés par la plupart des sociétés humaines d’aujourd’hui. Mais qu’en était-il il y a des milliers d’années ? Pour le savoir, des scientifiques de l’institut Max-Planck (Allemagne) et de l’université de Chicago (États-Unis) ont analysé les données génétiques de 1 785 individus ayant vécu ces 45 000 dernières années. Pour apprécier le degré de parentalité des géniteurs d’un individu, ils ont comparé ses chromosomes. Plus les deux chromosomes d’une même paire présentent de longues régions identiques, plus les parents sont proches génétiquement, donc potentiellement de la même famille. De fait, chaque paire de chromosomes est constituée d’un exemplaire maternel et d’un autre paternel. Les chercheurs ont découvert très peu d’accouplements entre individus de la même famille lors de leurs analyses. Seul l’ADN (acide désoxyribonucléique) de 54 individus montre que leurs parents étaient cousins. Ces 54 individus ne vivaient ni à la même époque ni au même endroit. Cela met en évidence que la reproduction entre cousins était un événement rare, y compris dans les petites populations de chasseurs-cueilleurs d’il y a plus de 10 000 ans. M. C.

Pour en savoir plus
: actualité de l'institut Max-Planck (en anglais)

Biologie-science des matériaux

La super-colle de la moule
 

Une équipe internationale dirigée par l’Université McGill (Canada) a réussi, au terme d’une dizaine d’années de travail, à identifier les mécanismes cellulaires aboutissant à la production d’une colle sous-marine très puissante permettant aux moules de se fixer aux rochers et à leurs congénères. Elle a découvert que des protéines liquides contenues dans de petites vésicules sont acheminées vers des cuticules à l’intérieur du pied de la moule. Là, des ions métalliques (fer et vanadium, extraits de l’eau de mer) sont relâchés lentement et se mélangent aux protéines liquides pour former la colle solide en deux à trois minutes seulement. Les chercheurs pensent que le vanadium, que très peu d’organismes sont capables d’hyperaccumuler, joue un rôle essentiel dans le durcissement de la colle. Ce mécanisme pourrait inspirer les scientifiques à la recherche de la formule adéquate permettant de créer des matériaux adhésifs efficaces en milieu humide, pour des opérations chirurgicales ou des soins dentaires par exemple. M. C.

Pour en savoir plus
: communication de l'Université McGill