Allocution dans le jardin de Marie Curie

Musique et texte d'introduction :

M. Jean Perrin, membre de l'Institut, prix Nobel, célèbre le quarantième anniversaire de la découverte du radium lors de la semaine internationale contre le cancer par une émouvante allocution prononcée dans le même petit jardin de l'Institut du Radium où Pierre et Marie Curie venaient, après leur admirable et passionnant labeur, goûter de rares instants de loisir.

Jean Perrin :

Je suis particulièrement ému de prononcer ces paroles dans un coin de ce jardin qu’aimait Marie Curie, de ce jardin qu’elle avait obtenu, non sans peine, et où elle poursuivait avec ses amis et ses élèves de libres et fécondes conversations.

Je n’ai par conséquent pas à résumer ici l’histoire de cette découverte, ni celle de la noble vie de Marie Curie et de Pierre Curie.

Je veux simplement tirer un enseignement et vous montrer par leur exemple comment toute nouveauté vraiment utile à l’homme ne peut être obtenue que par la découverte des choses inconnues poursuivie sans aucune préoccupation utilitaire.

Ce n’est pas en désirant lutter contre le cancer que Marie Curie et Pierre Curie ont fait leurs immortelles découvertes, trouvant le polonium, le radium et par là toute la suite de ces éléments imprévus et fragiles dont chaque atome émet en se brisant l’éclair mystérieux qui, parmi toutes ses propriétés, se trouve avoir celle d’agir sur la matière vivante. Mais naturellement, on a pensé alors tout de suite à utiliser ces rayonnements nouveaux pour satisfaire ou commencer à satisfaire notre désir de guérir le cancer.

Ainsi en tout domaine, pour acquérir de la puissance, pour diminuer ces corvées, qu’il ne faut pas confondre avec le travail noble, pour faire reculer la vieillesse et la mort elle-même, pour briser enfin le cadre étroit où notre destin semblait à jamais enfermé, nous devons faciliter la recherche scientifique désintéressée.

Il y faut des cerveaux. Nous les trouverons sans peine dans cette race française qui a fait preuve de tant d’originalité créatrice.

Il y faut des ressources, cela ne coûtera guère. Le paysan réserve à la semence le dixième environ de la moisson. Ce n’est pas le centième de notre budget qu’il faudra pour assurer les découvertes qui vont renouveler la face de la terre.

Vous tous, qui allez m’écouter par dizaine de millier. Vous, qui me voyez sans que je vous voie. Entendez mon appel et contribuez par toute votre influence à faciliter cette recherche conquérante qui fera le bonheur et la liberté des hommes.   

En 1938, lors de la semaine internationale contre le cancer et du quarantième anniversaire de la découverte du radium, Jean Perrin prononce une allocution dans le jardin de Marie Curie à l'Institut du Radium.
À partir de l'exemple de la découverte par Pierre et Marie Curie du radium et de son application thérapeutique contre le cancer, il insiste sur l'importance de la recherche scientifique désintéressée et appelle au don. (Résumé repris du catalogue du CNC Patrimoine).

© CNRS / ONRSI
Durée de la vidéo : 3 min 42

Message au personnel du Palais de la découverte

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Applaudissements des spectateurs.

Jean Perrin :

Eh bien Messieurs, je devrais dire chers camarades. Je suis infiniment touché par votre démarche. Vous avez choisi pour l'exprimer un interprète aimable plus éloquent que je ne le serai et je l’en remercie également et je voudrais vous dire combien j'ai été ému par le dévouement constant que vous manifestez dans ce Palais.

Vous savez que notre grand destin, un de nos grands destins, un des buts par lesquels nous avons l'attention fixée, c'est de développer dans le peuple qui se presse devant vous éventuellement des vocations qui pourront faire éclore des physiciens comme Faraday, des chimistes ou des biologistes comme Pasteur et par la même bouleverser les conditions de civilisation et rendre la (...), moins incertaine, plus heureuse et plus élevée de toute façon grâce aux loisirs qui résultera pour tous des possibilités élargies.
Eh bien votre tâche à cet égard est très grande, parce que c'est vous qui êtes intermédiaire direct entre la découverte dans le passé, ou dans le présent, et les gens qui se pressent devant vous un peu avec la même émotion sacrée qu'ont les religieux qui pénètrent dans une église. Pour tout cela, je vous remercie.

Naturellement nous parlions des difficultés matérielles, il y a des choses, quelles que soient vos conditions matérielles que vous auriez pu réaliser, il y a des choses qui ne se payent pas avec des conditions matérielles, c'est précisément, je pense, de sentir que nous sommes tous en quelque sorte des soldats d'un même idéal, nous travaillons vers le même but et après naturellement il faut bien que nous arrivions à en vivre. Ici je suis obligé de me maintenir dans le vague. Voici longtemps (...) que nous avons pensé à améliorer un peu la situation malgré nos crédits qui n'ont pas augmenté. J’ai récemment fait une démarche qui devrait vous permettre malgré (…), qui devrait nous permettre d'élever un peu avec un certain rappel le traitement, que je sais bien insuffisant, que vous avez.

Enregistrement sonore de Jean Perrin s’adressant au personnel du Palais de la découverte le samedi 26 mars 1938.

© INA
Durée de l'enregistrement : 2 min 25