Diabolique luciférine ! (S2E5)
Personnages :
- Florence, la journaliste : Stéphanie Cassignard
- Myriam, la fille de la journaliste : Myriam Doumenq
- Lui (Frédéric, l’Esprit de l’art) : Frédéric Kneip
- Elle (Delphine, l’Esprit de la science) : Delphine Gleize
- Melissa Gourzi : Leïla Kaddour
- Présentateur radio : Guillaume Thibault
- Serveur : Rémi Ladoire
- Médiateur scientifique (chimie) : Ludovic Fournier
Les esprits du Palais
Un feuilleton radiophonique entre ombre et lumière aux Étincelles du Palais de la découverte
Épisode 5 : Diabolique luciférine !
Prologue
Florence [se parlant à elle-même] : Je récapitule : 1/ Dans la nuit du 1er au 2 septembre, une mystérieuse silhouette provoque des phénomènes lumineux autour du site des Étincelles à partir d’un procédé d’induction électromagnétique extrêmement sophistiqué. 2/ Le mois d’après, trois prénoms féminins tagués à la peinture phosphorescente apparaissent sur les murs des Étincelles.
Mon petit doigt me dit que les auteurs de ces deux interventions sont une seule et même personne. Mais pourquoi a-t-elle fait ça ? Quel est son mobile ? Ce n’est pas de la malveillance, ou une vengeance personnelle, je n’y crois pas un instant. Mais s’il s’agit de la même personne, pourquoi s’arrêterait-elle en si bon chemin ? Quelle sera sa prochaine trouvaille ? Et jusqu’où ira-t-elle ?
Scène 1 : Écoute du journal télévisé chez Florence et Myriam
Le présentateur : « Where is Ada? » / « Où est Ada ? » : c’est la mystérieuse question que les Parisiennes et les Parisiens qui passaient hier soir à proximité des Étincelles ‒ nombreuses en cette soirée d’Halloween ‒ ont vu s’afficher en lettres fluorescentes sur un panneau, situé devant l’établissement. Les Étincelles, c’est l’annexe ouverte par le célèbre Palais de la découverte, dans le 15e arrondissement, avant sa réouverture une fois la rénovation du Grand Palais achevée. Un site qui avait déjà fait parler de lui sur les réseaux sociaux, à la fin de l’été, lorsque des passants avaient aperçu d’étranges phénomènes lumineux. Melissa Gourzi s’est rendue sur place.
Melissa Gourzi : Aux Étincelles, ce matin, l’étonnement, et même la stupeur, étaient palpables après les événements de la nuit dernière. Car l’établissement dément toute implication quant à l’origine de l’étrange « performance » ‒ comment l’appeler autrement ? ‒ qui s’est déroulée la nuit dernière à sa porte. « Où est Ada ? », c’est effectivement la question que les passants ‒ parmi lesquels de nombreux enfants déguisés ‒ ont vu s’illuminer sur un panneau placé au bord du trottoir, précisément à la limite du champ des caméras de surveillance, qui n’ont filmé que des ombres. L’inscription, étonnante, presque menaçante ‒ en tout cas, inexplicable ‒, n’a été visible qu’une bonne dizaine de minutes. Et le plus étrange, c’est que l’image n’avait pas encore eu le temps de faire le tour des réseaux sociaux que le panneau avait disparu. Quelques minutes après que l’inscription se soit effacée, des passants ont encore aperçu une silhouette au visage et aux cheveux cachés, à l’allure plutôt féminine, prendre le tableau, le charger dans une camionnette et disparaître presque à la vitesse de la lumière.
Le présentateur : Sur Instagram, en tout cas, c’était l’ébullition. On peut le dire, Melissa !
Melissa : En effet, de nombreux clichés ont circulé, ce qui a donné lieu à un flot de commentaires, et même aux rumeurs les plus sordides. Certains prétendent qu’il s’agissait de sang et non de peinture… Les équipes des Étincelles et du Palais de la découverte analysent actuellement les très nombreux clichés, dont certains en gros plan, qui leurs ont été spontanément adressés depuis ce matin…
Le présentateur : Face à ce nouvel incident, on repense forcément à cette affaire des feux follets qui avait déjà défrayé la chronique, le 2 septembre ?
Melissa : Je n’ai pu recueillir aucun commentaire à ce sujet, mais il est certain que l’épisode est présent dans toutes les têtes. Nous devrions avoir quelques informations très prochainement. Sinon, permettez-moi de faire une mise au point, Jérémy : je voudrais préciser, à l’attention de nos auditrices et de nos auditeurs que, contrairement à ce qui vous a été dit, en l’occurrence, il ne s’agit pas de fluorescence mais de phosphorescence.
Le présentateur : Merci pour cette précision, Melissa, et au temps pour moi. Nous restons connectés avec le 15e arrondissement, et nous comptons bien sur vous pour tirer au clair cette étrange affaire ! À moins tout simplement que ce ne soit la créativité des participants d’Halloween qui arrive à nous surprendre davantage chaque année ! Car il y en a eu, hier soir, des idées originales pour célébrer la veillée de la Toussaint. David Sanson, notre envoyé spécial, était hier à Saint-Amand-Montrond, dans le Cher…
Florence : Non mais c’est quoi encore cette histoire ? Sérieusement, tu étais au courant ? Tu as vu quelque chose sur les réseaux ?
Myriam : Non, rien du tout. J’avais des évaluations toute la journée, donc j’ai dû réviser à fond. Regarde de ton côté !
Florence : Tu sais bien que je ne suis pas tellement active sur Instagram… De toute façon, on n’en saura pas plus. Il faut que j’aille sur place. Mais j’aimerais bien voir des images, quand même…
Scène 2 : Florence et le médiateur scientifique en chimie, dans un bar, près des Étincelles
Florence : Du luminol ?!
Le serveur : … et encore un café ! Trois cafés, ça vous fera 12 euros, s’il vous plaît.
Florence [on ne sait pas si elle s’adresse au serveur ou au médiateur] : Vous êtes sûr ?
Le médiateur : Sûr à 100 % ? Non, mais par contre, vu ce que vous me décrivez, ça ressemble quand même beaucoup à la réaction chimique du luminol, un peu comme celle qu'on fait aux Étincelles.
Florence : Ah oui, c'est vrai que vous avez déjà fait ce genre d'expérience devant du public.
Le médiateur : Ouais, tout à fait. D'ailleurs, dans une de nos expériences, on éteint les lumières pour se mettre dans le noir et, dans un bécher, on va mélanger deux matières, du luminol avec du peroxyde d'hydrogène. Et quand on fait ça, il se passe rien. Après, on va ajouter une substance à base de fer, de fer sous forme d'ions, et à ce moment-là, le mélange se met à briller, parce que le fer sous forme d'ions va accélérer la transformation chimique du luminol et la libération de lumière. Mais on peut aussi en trouver…
Florence : ... dans le sang.
Le médiateur : Dans le sang, ouais, tout à fait. Et c'est la raison pour laquelle on va pouvoir utiliser le luminol sur des scènes de crime pour révéler des traces de sang qui ont potentiellement été effacées.
Scène 3 : Fred / Delphine
Fred : Franchement, ça commence à devenir lugubre, ces histoires de phénomènes luminescents. Et même de sang, à présent… Ces prénoms énigmatiques aussi...
Delphine : J’y songe, tu ne crois pas que ça pourrait être une performance artistique ? Un genre de happening ou d’intervention in situ ?
Fred : De l’art ? Ça ?! Oui cela se pourrait… La performance est, par essence, un art éphémère... L’intention serait de... perturber, dans l’espoir de réveiller, bousculer les consciences ?
Delphine : Franchement, qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ? Un acte gratuit, unique, singulier comme celui-là ?
Fred : … qui plus est très soigneusement élaboré, scientifiquement même !
Delphine : Tout à fait. Des œuvres scientifiquement élaborées. Par quelqu’un qui se serait acharné à faire toutes ces recherches…
Fred : … ou qui aurait d’abord été scientifique, avant de se risquer à devenir artiste…
Delphine : … Oui, mais scientifique pluridisciplinaire alors, maîtrisant la chimie, la physique, la biologie : une perle rare !
Fred : Pour un artiste, est-ce que c’est plus facile d’être pluridisciplinaire que pour un scientifique ?
Delphine : Un artiste, ou alors UNE artiste ! Du moins, c’est mon sentiment. Comme il me semble évident qu’un fil relie les événements de la journée Ada Lovelace à ceux de Halloween.
Fred : Est-ce que les apparitions lumineuses du 2 septembre font partie du même plan ? Cela reste à prouver… Il n’y a pas de prénoms, dans ce cas-ci.
Delphine : Non, mais de la LUMIÈRE, oui.
Fred : Et on est d’accord que ces prénoms désignent des femmes scientifiques ?
Delphine : Je crois que cela ne fait guère de doute.
Fred : Pourquoi crois-tu qu’il y a toujours moins de filles que de garçons dans les études scientifiques ?
Delphine : Pour ça, il faudrait que tu poses la question à un humain. Il n’y a pas que la question du nombre, mais aussi de la place qu’on leur accorde…
Scène 4 : Myriam et Florence, de retour du café
Myriam : Donc si j’ai bien compris, il y avait un panneau sur lequel on avait écrit avec du sang « Where is Ada? » Du sang sur lequel un brumisateur a, à un moment précis, diffusé du luminol, ce qui a provoqué son illumination ?
Florence : Oui, avant que tu nous rejoignes, Sarah, la médiatrice en chimie, m’expliquait que les équipes du Palais avaient attentivement étudié les photos et les descriptions que les témoins leur ont fournies. Le brumisateur aurait été actionné par un détecteur, comme les chandeliers dans la manip du 2 septembre.
Myriam : C’est un truc de fou, ce mécanisme, quand même ! C’est du délire. Mais c'est bon pour ton enquête ça ! Tu as peut-être affaire à UNE génie !
Fin de l’épisode 5.
« Où est Ada ? » C’est l’énigmatique inscription en lettres fluorescentes, découverte un matin... Les habitants du XVe arrondissement l'ont aperçue en cette nuit d’Halloween à proximité des Étincelles. Les médias diffusent l’information et s’interrogent sur cette succession de phénomènes. Trois en un mois ! Les réseaux s’enflamment à nouveau. Florence, quant à elle, est de plus en plus convaincue que ces actes ont été commis par la même personne. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Le sens lui échappe… Une fois encore, elle recourt à Ludovic, médiateur en chimie, pour comprendre le mode opératoire, espérant aussi récolter un indice qui la mette sur la piste de l’auteur.