Alexandre Héraud (voix off)
Léa Minod (journaliste)
Stéphane Fay (médiateur)
Audrey Stupovski (lecture)
Vitruve - De l’architecture (S2E1)
Liste des intervenants
- Alexandre Héraud (voix off)
- Léa Minod (journaliste)
- Stéphane Fay (médiateur)
- Audrey Stupovski (lecture)
Léa Minod : Et si les romains avaient eu l'intuition de l'informatique ? C'est en tout cas ce dont va nous parler Stéphane Fay, ancien astronome et médiateur en informatique du Palais de la découverte. Bonjour Stéphane.
Stéphane Fay : Bonjour Léa.
Léa Minod : Vous avez choisi un texte très descriptif de l'architecte Romain Vitruve, surtout connu pour son traité d'architecture en dix volumes. Dans ce texte, il détaille un odomètre, c’est une machine pour compter les mètres, que l'on appellerait aujourd'hui « compteur kilométriqu »”. Pourtant loin d'être unique, cette invention a été découverte pour la première fois par le Grec Archimède, c'était au IIIe siècle avant Jésus-Christ et plus tard en Chine par Zhang Heng. Il s'agit à chaque fois d'un chariot disposant d'un mécanisme de démultiplication permettant de totaliser le nombre de tours effectués par les roues. On écoute sa description avec les mots de Vitruve.
Audrey Stupovski (lecture) : « Les roues du char doivent avoir chacune quatre pieds de diamètre, de manière que si la roue porte un repère, marquant le point où elle commence sa rotation, en avançant sur la surface de la route, elle ait exactement parcouru une distance de douze pieds et demi quand revient la marque à partir de laquelle elle a commencé à tourner. Une fois ces dispositions prises, on doit alors emboîter et ajuster au moyeu de la roue, du côté intérieur, un tambour qui porte en saillie, à sa circonférence, une seule petite dent. Plus haut d'autre part, contre la caisse du char, on doit fixer solidement un châssis, ayant un tambour mobile, placé de chant et monté sur un axe ; à la circonférence de ce tambour, on doit avoir des dents, distribuées régulièrement et au nombre de quatre cents, qui s'engrènent avec la dent du tambour d'en dessous. Sur le côté, en outre, du tambour supérieur on doit fixer aussi une dent qui s'avance au-delà des autres. On placera encore au-dessus, horizontalement, dans un autre châssis, un tambour denté de la même manière et dont les dents s'engrènent avec la dent que l'on aura fixée sur le côté du second tambour ; et l'on doit y faire un nombre d'ouvertures équivalent à celui des milles qu'un char peut parcourir en un trajet d'une journée. Qu'il y en ait plus ou moins est sans importance. Mais l'on placera des cailloux ronds dans chacune de ces ouvertures, et l'on doit avoir dans le compartiment, ou châssis, du tambour une ouverture unique, avec un petit conduit, par où les cailloux qui auront été introduits dans ce tambour puissent, arrivés là, tomber un à un dans un récipient en bronze placé au-dessous, dans la caisse du char. Ainsi quand la roue, en avançant, fait aller avec elle le tambour inférieur, et que la dent de ce tambour entraîne et fait passer, à chaque tour, les dents du tambour du haut, le résultat sera que, lorsque le tambour inférieur aura tourné quatre cents fois, le tambour du haut n'aura accompli qu'une seule révolution, et que la dent fixée sur son côté n'aura fait avancer qu'une seule dent du tambour horizontal. Donc si pour quatre cents tours du tambour inférieur, celui du haut ne tourne qu'une seule fois, la distance couverte sera de cinq mille pieds, c'est-à-dire mille pas. Ainsi chaque caillou qui tombe signalera, par le bruit qu'il fait, chacun des milles parcourus. Et le nombre total des cailloux ramassés au bas indiquera le nombre de milles d'une journée de route. »
Léa Minod : Stéphane Fay, pourquoi avez-vous choisi ce texte en particulier ?
Stéphane Fay : En informatique, ce qu'on fait, ce sont des calculs en binaire, avec des 0 et des 1, et des machines, donc j'ai choisi ce texte parce que j'ai longtemps cherché une machine qui fasse également du calcul mais avec des cailloux, parce que, oui, le mot calcul vient du latin calculus, qui veut dire « petit caillou ». C'était intéressant d'avoir une machine antique qui fasse des calculs avec des cailloux, alors pas comme de l'informatique moderne, évidemment, cela n’a rien à voir, mais d’avoir une machine qui fasse des calculs avec des cailloux, sachant que calcul vient de petit caillou, calculus.
Léa Minod : Mais là, où sont-ils les 0 et les 1 dans le texte que l’on vient d’entendre ?
Stéphane Fay : Alors non, là dans le texte, il n'y a pas de 0 ni de 1. Il y a juste des cailloux qui tombent dans un seau, donc ce n'est pas du binaire. Le binaire, cela se fera bien plus tard, mais à l'époque on n'est pas encore dans le binaire. Ceci dit, il y a eu des machines qui faisaient tourner un programme en binaire bien avant l'invention du binaire par les Leibniz. C'était par exemple les carillons du Moyen Âge.
Léa Minod : Les carillons ?
Stéphane Fay : Oui, les carillons du Moyen Âge. Je ne sais pas si vous voyez ces petits jouets où on tourne une manivelle ? On avait des carillons où on avait une sorte de gros tambour, comme un tambour de machine à laver, dans lequel il y a des trous. On fixait des petits picots dans certains de ces trous et dans certains autres, non, ce sont des 0 ou des 1. Et lorsque le tambour tournait, les picots venaient percuter des cloches et jouer une mélodie. On a là un bon exemple, une sorte de mémoire avec picots ou pas picot, dans lequel on enregistre des 0 ou des 1 qui correspondent à une mélodie que l'on joue sur une machine.
Léa Minod : Donc là, il y a caillou ou pas caillou ? Est-ce que cela relève de l'informatique ?
Stéphane Fay : Alors non, non, là il n'y a pas de 0 ou de 1, vraiment pas. C'est juste une simple machine qui fait du calcul avec des cailloux, on n'est pas encore dans le binaire. On aura d'autres machines qui font les calculs sans le binaire, par exemple la Pascaline, qui est la première machine à calculer mécanique. Elle tourne, elle fait que du décimal, elle ne fait pas de binaire.
Léa Minod : Cela veut dire quoi ?
Stéphane Fay : Cela veut dire qu'on va compter avec les nombres de 0 à 9. Elle ne compte pas avec des 0 et des 1.
Léa Minod : Et à quoi servait-il cet odomètre ?
Stéphane Fay : Cet odomètre servait à mesurer des distances. Le but, c'était de pouvoir probablement déposer des bornes kilométriques. Tout comme on a des bornes kilométriques sur nos routes, à l'époque romaine, il y avait aussi des bornes donc probablement que cela a pu servir à déposer régulièrement des bornes kilométriques sur les voies romaines.
Léa Minod : Si on essaye de résumer un peu le principe qui est décrit ici dans maints détails, est-ce que vous pouvez le faire ?
Stéphane Fay : Oui, je vais essayer : chaque fois que la roue du chariot tourne, cela fait avancer d'un cran une grande roue qui est, plus ou moins, dans le même plan. Quand la roue du chariot a tourné quatre cents fois, la grande roue a tourné une fois. Elle fait alors tourner d'un cran une roue horizontale qui est placée sur le chariot. Dans cette roue horizontale, on a des petits trous dans lesquels sont disposés des pierres. Chaque fois que cette petite roue horizontale tourne d'un cran, le trou de la roue vient se superposer à un trou traversant dans lequel la pierre va tomber dans un seau.
Léa Minod : C'est comme un mécanisme de roues enchâssées les unes dans les autres, plus ou moins ?
Stéphane Fay : C'est cela. On a trois roues enchâssées les unes dans les autres, deux qui sont verticales, une qui est horizontale, et quand la roue du bas, une des roues du chariot, a fait quatre cents tours, on a un caillou qui va se déposer dans le seau.
Léa Minod : Finalement, le lien n'est pas très étroit entre l'informatique et l'odomètre. Pourquoi vous, qui êtes informaticien, avez vraiment voulu ce texte-là ?
Stéphane Fay : Le lien entre l'informatique et l'odomètre c'est le fait qu'en informatique on ait des machines qui font les calculs. D'ailleurs, c'est cela que veut dire le mot informatique. Informatique, c'est la contraction de « information » et « automatique », c'est le traitement automatique par des machines de l'information, c'est-à-dire des 0 et des 1. On a un mélange de mathématiques et de physique, un calcul réalisé par un objet physique qui est une machine. L'odomètre est aussi un calcul qui est réalisé par un objet physique, en l’occurrence l'odomètre de Vitruve.
Léa Minod : D'accord. Quand on ouvre un ordinateur en informatique, ce ne sont que des calculs ?
Stéphane Fay : Quand on ouvre un ordinateur, effectivement, l'informatique, la machine, calcule. Elle calcule avec des 0 et des 1. En fait, l'informatique c'est toujours un mélange de mathématiques et de physique. C'est pour ça que, parfois, on est un peu perdu. Souvent, à l'école, on apprend que l'informatique ce n’est que du binaire, des 0 et des 1. Mais quand vous avez un smartphone entre les mains, c'est une machine que vous avez entre les mains. Cette machine va faire des calculs avec des 0 et des 1 qui vont être représentés physiquement par des tensions électriques hautes et basses qui vont circuler à travers des petits composants électroniques que l'on appelle des transistors. Entre autres, sur un smartphone, vous pouvez avoir plusieurs milliards de transistors qui vont s'échanger des courants électriques qui sont autant de 0 et de 1 qui permettent à la machine de faire un calcul.
Léa Minod : Ce que vous voulez nous dire, c'est que l'odomètre c'est un peu l'ancêtre de ce qui se passe dans un smartphone ?
Stéphane Fay : C'est une première machine qui fait du calcul. Une machine qui fait du calcul, c'est quand même incroyable ! Cela fait du calcul quasiment automatiquement. Alors évidemment, si vous parcourez une grande distance, il va sûrement falloir rajouter des cailloux à la main, dans la roue du haut, mais c'est quand même une machine qui fait du calcul et cela est vraiment remarquable.
Léa Minod : Pourquoi cela est remarquable, pour vous ? Vous avez l'œil qui pétille !
Stéphane Fay : [Rires]
Léa Minod : Non mais c’est vrai !
Stéphane Fay : Parce que c'est une première automatisation du calcul. En fait, faire des calculs, ce n’est pas simple. L'humain a toujours cherché à rendre les choses plus simples, en mécanisant les choses. Ici, c'est une mécanisation d'un processus intellectuel qui est le calcul. C'est vraiment remarquable. Il y avait d'autres manières de faire des calculs avec des cailloux. Comme je vous le disais, calcul, ça vient de calculus, « petit caillou », en latin mais une autre manière de faire des calculs avec des cailloux, c'étaient évidemment les bouliers, qui existaient même déjà à l'époque. Enfin pour être tout à fait précis, à l'époque romaine, on n’avait pas des bouliers, on avait des abaques, c'est-à-dire qu’on avait des sortes de planches avec des colonnes, chacune représentait les unités, les multiples de cinq, de dix, etc., et dessus on bougeait, on déplaçait des cailloux pour faire des additions et des soustractions. C'était un exemple pour faire des calculs avec des cailloux, calculus donc. Mais par contre, ce n’était pas une machine, ce n'était pas mécanique. La machine de Vitruve, elle, elle fait des calculs avec des cailloux.
Léa Minod : Et la première calculatrice qui ait existé ?
Stéphane Fay : La première calculatrice mécanique de l'histoire était la Pascaline, la machine de Pascal.
Léa Minod : Que Pascal a inventée ?
Stéphane Fay : Que Pascal a inventée au début du XVIIe siècle.
Léa Minod : Vous me la décrivez ?
Stéphane Fay : Oui, alors… comment décrire la machine de Pascal… ? D'abord, qu'est-ce qu'elle fait ? Elle fait des additions et des soustractions. Vous avez devant vous trois roues, comme des cadrans de téléphone et, de l'autre côté, trois roues avec, là aussi, comme sur les cadrans de téléphone, les chiffres gravés de 0 à 9. Imaginons que vous voulez faire 7 + 4, vous mettez un doigt sur le chiffre 7 du cadran, vous tournez jusqu'à un taquet, vous mettez le doigt sur le chiffre 4 du cadran, vous tournez également jusqu'à un taquet. En face de vous, la roue qui est juste en face, tourne elle aussi en même temps que vous tournez la roue de votre cadran téléphonique, en quelque sorte. Et petit à petit, vous allez voir le chiffre défiler devant vos yeux. Quand le cadran du téléphone, si j'ose dire, a fait un tour complet, c'est comme une retenue. De l'autre côté, il y a la roue qui va également augmenter d'un cran, et donc 7 + 4, égal 11. Vous allez voir le chiffre 1 qui est en face de votre roue, comme le cadran de téléphone, et un autre chiffre 1 sur la roue qui est à gauche. C'est un peu compliqué dit comme cela…
Léa Minod : Mais pour mieux comprendre, il faut aller au Palais de la découverte alors ?
Stéphane Fay : Ah oui, pour mieux comprendre, il vaut mieux aller au Palais de la découverte, puisqu'on peut voir le mécanisme d'une Pascaline en transparence. On l'a faite fabriquer donc on comprend parfaitement comment cela fonctionne. En fait, ce n’est pas difficile du tout, bien que Pascal ait dû s’y reprendre plusieurs dizaines de fois avant de faire un prototype qui marche. On est toujours étonné quand on voit la simplicité du mécanisme. Mais la science, c'est ça. Ce qui est difficile, c'est de chercher, puis après, quand on a la solution, on se demande pourquoi on ne l'a pas trouvée tout de suite ! [Rires] C'est un peu ce que fait le public, on lui montre cette Pascaline et puis, quand il la voit et que je leur dis « Pascal, il a fait plusieurs dizaines d'essais pour arriver à trouver cet enchaînement d'engrenages », le public est toujours surpris, et je lui dis « Oui, mais la recherche, c'est ça ». C'est difficile de chercher et quand on a la réponse, ça paraît si évident.
Léa Minod : C'est cela d'ailleurs qui est étonnant dans le texte de Vitruve que vous avez choisi qui décrit cet odomètre, c'est que, finalement, on arrive très bien à se représenter cet odomètre. Ça semble très simple comme machine, juste trois roues qui tournent sur elles-mêmes, qui font tomber un caillou et qui permettent de mesurer la distance. Et pourtant, ça arrive tard dans l'histoire de l'humanité.
Stéphane Fay : Oui, mais il faut y réfléchir. Ce n’est pas si simple que ça, parce que, mécaniquement, ce n’est pas facile à fabriquer toutes ces roues pour qu'elles s'emboîtent bien les unes dans les autres. Il faut se dire qu'on a une grande roue à quatre cents dents qui doit se tourner cran après cran, si j'ose dire, grâce à la roue du chariot, ce n’est pas évident du tout ! D'ailleurs, le texte de Vitruve a plusieurs interprétations, il y a toujours des recherches là-dessus pour essayer de voir vraiment comment était cet odomètre de Vitruve.
Léa Minod : Est-ce qu'on a des représentations ? Est-ce qu'on a recréé cet odomètre de Vitruve ?
Stéphane Fay : On a recréé des maquettes. C'est toujours pareil la recherche, c’est toujours très long. Mais oui, il y a plusieurs versions de cet odomètre de Vitruve et celle dont je vous parle est, je dirais, l'avant-dernière version. Il y a encore une autre version qui vient de sortir là, il y a quelques mois, mais que je ne connais pas très bien.
Léa Minod : Comment ça ? Une autre version du texte ou une autre version de l’odomètre ?
Stéphane Fay : Non, une autre version du mécanisme, pas du texte. C'est-à-dire que quand on lit le texte de Vitruve, après on va interpréter ce que Vitruve nous dit. On cherche à disposer les engrenages tel qu'on pense qu'il le dit dans son texte et puis, parfois, quand on veut réaliser l'engrenage on se dit : « Ah quand même, c'est difficile ! Ça paraît bizarre que ce soit vraiment monté comme ça. » Et du coup, on cherche une autre manière, toujours avec le même texte de Vitruve, de ré-interpréter ses mots pour trouver un mécanisme qui, peut-être, marchera mieux ou sera plus simple à fabriquer avec les outils de l'époque de Vitruve.
Léa Minod : Est-ce que c'est aussi cela, un peu, la recherche en informatique : essayer de toujours trouver le meilleur chemin, pour faire simple ?
Stéphane Fay : En fait, en science, de manière générale, il faut souvent privilégier ce qu'on appelle le rasoir d'Ockham, c'est-à-dire que parmi toutes les hypothèses, c'est toujours mieux de prendre généralement la plus simple, mais on ne tombe pas forcément sur la plus simple des hypothèses tout de suite. En informatique, par exemple, si vous prenez un algorithme, plus l'algorithme sera simple, plus vous pouvez avoir de facilité à le coder et plus vite il peut tourner. Mais effectivement, en ce qui concerne la recherche des algorithmes, c'est toujours mieux de trouver le plus simple plutôt que de garder le plus complexe. Après, est-ce que, de manière générale, le plus simple est toujours la meilleure solution ? Pas forcément. En informatique, c'est une science particulière parce que dans les autres sciences, on est souvent confronté aux observations. Il y a toujours ce trio : la théorie, l'expérience et l'observation. En informatique, l'observation n’est pas forcément toujours là, puisqu'on invente des machines. Donc on va observer leur fonctionnement, oui peut-être, mais c'est particulier.
Léa Minod : Et comment êtes-vous tombé sur ce texte la première fois que vous l'avez lu ?
Stéphane Fay : C'était par curiosité. Cela faisait longtemps que j'avais entendu parler de Vitruve. Je voulais savoir ce qu'il avait écrit, c'est comme cela que j'ai lu quelques-uns de ses textes et que je suis tombé sur cette machine.
Léa Minod : En latin ?
Stéphane Fay : Ah non, [rires] en latin ? Non ! [Rires] Mais oui, c'est comme cela que je suis tombé sur ce texte et j'étais content parce que je cherchais depuis longtemps une machine qui calculait avec des cailloux pour pouvoir donner quelque chose de visuel à notre public. Parce qu’il faut le savoir, en médiation de l’informatique, c'est difficile de montrer des choses qui soient visuelles. On est souvent avec du powerpoint, donc on essaie quand même de montrer des objets ou des choses qui vont frapper le public plus qu'un simple powerpoint. Dans d'autres sciences, on a des images qui frappent, on a des expériences qui frappent. En informatique pour arriver à frapper le public, ce n’est pas facile donc trouver des objets c'est important. C’est pour cela que j'étais super content d'avoir trouvé cet objet même si, pour l'instant, on ne l'a pas en vrai, mais au moins, cela permet de frapper le public pour lui expliquer ce qu’est vraiment le mot calcul, et ce que cela fait.
Léa Minod : Et vous ne vous êtes pas mis au défi de le réaliser, cet objet ?
Stéphane Fay : Si, j'ai demandé à une société de me le réaliser. Pour l'instant, on va voir, parce que ce n'est pas gratuit... [Rires] On verra cela l'an prochain peut-être.
Léa Minod : À quoi vous servirait-il cet objet si vous l'aviez ?
Stéphane Fay : Cela permettrait de le montrer au public, parce que, comme je le disais, montrer au public quelque chose de physique, c'est important.
Léa Minod : En informatique, qu'est-ce que cela va vous aider à démontrer ?
Stéphane Fay : Cela ne va pas forcément m'aider à démontrer quelque chose. Cela va m'aider à expliquer aux gens que l'informatique c'est à la fois du calcul, c'est-à-dire des mathématiques et de la physique. Parce que l'informatique, si vous avez juste du binaire, juste des calculs, ça ne vous donne pas un ordinateur. Un ordinateur, c'est un objet physique. Ce qui est important et ce qui est intéressant avec l'odomètre de Vitruve, c'est qu'on a là un objet physique, simple à comprendre, qui fait des mathématiques et qu'on peut montrer au public. Parce qu’avec les ordinateurs d'aujourd'hui, quand vous dites que votre smartphone est en train de faire des calculs, et bien le public vous regarde avec des yeux tout ronds parce que, évidemment, ce n’est pas possible, un smartphone c'est une boîte noire. Et si je me mets à faire des calculs en binaire au tableau et que je leur dis qu’il y a des objets physiques qui font la même chose, c'est pareil, les gens ne comprennent pas. C'est bien d'avoir des objets qui puissent montrer un calcul qui soit physiquement visible. Et l'odomètre de Vitruve, c'est un de ces objets qui permet de montrer une machine en train de calculer vraiment physiquement, qui fait cette association entre les mathématiques et la physique, ce qui constitue l'informatique.
Léa Minod : (CONCLUSION) Et il paraît que Léonard de Vinci a essayé de construire une version de cet odomètre, avant plutôt de s'inspirer des écrits de Vitruve pour une toute autre affaire : l'homme de Vitruve, vous connaissez ?
Stéphane Fay : Oui.
Léa Minod : … Parfaitement proportionné, les bras levés, nu dans un cercle. Mais fort heureusement, l'odomètre a continué son chemin sans Léonard de Vinci et jusqu'à nous, ou plutôt jusqu'à nos voitures. Est-ce qu'on en a un d'odomètre dans nos voitures ?
Stéphane Fay : Oui, effectivement, c'est le compteur kilométrique qui est donc un odomètre moderne.
Léa Minod : Il est même si important qu'il a une journée nationale dédiée : le 12 mai, c'est la journée nationale de l'odomètre.
Stéphane Fay : Ça alors ! Je n’en reviens pas ! [Rires]
Léa Minod : Pour d'autres plongées dans les « Sciences lues », c'est le nom de cette série, rendez-vous sur le site du Palais de la découverte et sur les plateformes de podcasts. Merci à vous, Stéphane Fay, médiateur en informatique du Palais de la découverte.
Stéphane Fay : Merci à vous.
Les Romains ont-ils eu l’intuition de l’informatique ? C’est ce dont nous parle Stéphane Fay, ancien astronome et médiateur en informatique du Palais découverte, qui a choisi un texte très descriptif de l’architecte romain Vitruve, connu pour son traité d’architecture en 10 volumes. Dans ce texte, il détaille un odomètre, une machine pour mesurer la distance parcourue par un véhicule, que l’on appellerait aujourd’hui compteur kilométrique. Loin d’être unique, cette invention a été découverte pour la première fois par le Grec Archimède au IIIe siècle avant J.-C., et plus tard en Chine…