Le peintre André Léveillé, acteur souvent oublié, a joué un rôle majeur dans la mise en place et le développement du Palais de la découverte. Dès 1935, il est nommé par Jean Perrin comme secrétaire général à la tête de cet établissement scientifique emblématique qu'il dirigera de 1946 à 1960.

Né en 1880 à Lille, André Léveillé débute comme dessinateur industriel. Passionné d’art, il se forme en autodidacte en fréquentant régulièrement le musée des Beaux-Arts de Lille. Il s’installe en 1914 à Paris et se consacre dès lors à la peinture. Son travail lui vaut rapidement une certaine notoriété : il est admis à exposer au Salon des Indépendants de 1913, les critiques de la presse spécialisée sont élogieuses. Il fait en outre partie des artistes à qui le joaillier Georges Fouquet demande de dessiner des bijoux à l’occasion de l’exposition des arts décoratifs de 1925. Ami du peintre Paul Signac, dont il réalise le portrait, André Léveillé participe activement à la vie artistique parisienne des années 1930.

Mais Léveillé a d’autres talents : c’est incontestablement un homme de réseaux et un organisateur efficace. Au début des années 1930, il est vice-président de la Société des artistes indépendants (1923-1939), vice-président de la Confédération des Travailleurs Intellectuels (CTI, de 1925 à 1939) et membre du Conseil supérieur des Beaux-Arts (1930-1938). Au travers de ces appartenances, et comme ce sera le cas pour la suite de sa carrière, il se constitue des réseaux solides qu’il sait à la fois mettre à profit et en valeur.
 

André Léveillé et le Palais de la découverte

En 1937, Paris accueille l’Exposition internationale sur le thème "Arts et Techniques appliquées à la Vie moderne". Le premier commissaire général de l’exposition, Aimé Berthod, est un proche de la CTI. Il confie à André Léveillé le soin d’assurer la coordination de la partie consacrée à la coopération intellectuelle.
Dans le projet qu’il remet à Berthod, André Léveillé propose de réserver "une large place à la Science et au progrès humain" sous forme d’un "Palais des éléments". Cette proposition est validée par les autorités successives de l’exposition (Berthod puis Labbé) et présentée lors d’un déjeuner rassemblant les éminents savants dont Jean Perrin. C’est ce jour-là que Jean Perrin, partant de la proposition originelle de Léveillé (et la déconstruisant !), pose les grands principes du Palais de la découverte.


Un acteur oublié

Lire les archives du Palais de la découverte fait sortir de l’ombre un personnage étonnamment oublié de l’histoire du Palais de la découverte et, plus généralement, de celle de l’organisation internationale des musées de sciences. En effet, l’action d’André Léveillé, personnalité moins immédiatement visible que les scientifiques de premier plan (Perrin, Borel, Laugier, etc.) qui œuvrent à la création du Palais de la découverte, n’a été décrite dans l’histoire de l’établissement que par allusion. Son projet de "Palais des éléments" ne dure que le temps d’une réunion, Jean Perrin est unanimement reconnu comme seul grand architecte de cette affaire.

Pourtant, André Léveillé, maître d’œuvre au quotidien et au long cours de cette épopée dont Jean Perrin est le maître d’ouvrage, a joué un rôle primordial dans l’organisation générale de l’exposition internationale de 1937 et dans l’histoire du Palais de la découverte dont il fut vingt-deux ans durant le premier directeur.
Après la Seconde Guerre mondiale, André Léveillé joua également un rôle essentiel dans la structuration internationale des musées de sciences, tant à l’Unesco qu’à l’ICOM, le conseil international des musées. Il dira à ce sujet :

Si le côté profondément humain de cette œuvre, où le peuple tout entier est convié à communier avec les plus grands esprits dans une haute passion spirituelle marque le Palais de la Découverte, un autre caractère l’ennoblit également : œuvre de conception, d’initiative, et de réalisation française, le Palais de la Découverte est orienté vers un internationalisme, un universalisme qui est bien dans la tradition humaniste de la France. Par là, il apparaît que la découverte scientifique est souvent une longue chaîne dont les maillons portent les couleurs des nations les plus diverses.

 

L'anecdote...

Le 3 mai 1936, les élections législatives portent le Front Populaire au pouvoir. Un puissant mouvement de grève générale s'étend alors à tout le pays. Les personnels du Palais y participent et André Léveillé, alors secrétaire général - et futur directeur – leur lance un appel… qui sera entendu.