L’autre Esprit du Palais (S2E2)
Personnages :
- Florence, la journaliste : Stéphanie Cassignard
- Myriam, la fille de la journaliste : Myriam Doumenq
- Lui (Frédéric, l’Esprit de l’art) : Frédéric Kneip
- Elle (Delphine, l’Esprit de la science) : Delphine Gleize
- Présentateur radio : Guillaume Thibault
- Melissa Gourzi : Leïla Kaddour
- Akimou (l’Esprit critique) : Pascal Nzonzi
- Médiateur scientifique (exposé de criminalistique / chimie) : Ludovic Fournier
Les esprits du Palais
Un feuilleton radiophonique entre ombre et lumière aux Étincelles du Palais de la découverte
Épisode 2 : L'autre esprit du Palais
Prologue
Florence [se parlant à elle-même] : Bon alors, si je résume la situation : dans la nuit du 1er au 2 septembre, de mystérieux phénomènes lumineux se sont produits aux abords des Étincelles, le site ouvert par le Palais de la découverte dans le 15e arrondissement pendant les travaux de rénovation du Grand Palais. Ces phénomènes n’ont pas duré longtemps, mais suffisamment pour faire le tour des réseaux sociaux. L’équipe des Étincelles a rapidement élucidé l’énigme : il s’agirait d’un phénomène d’induction électromagnétique, provoqué à distance par une mystérieuse silhouette noire que les caméras de vidéosurveillance ont filmée. On a d’ailleurs retrouvé – grâce à moi – de petits générateurs dans le sol qui confirment cette hypothèse. Mais ça ne me dit pas à quoi tout cela rime…
[Se ressaisissant.] Bon, en attendant, j’ai promis à Myriam de l’emmener aux Étincelles…
Scène 1 : À l’intérieur des Étincelles
[Au Palais de la découverte. On entend l’exposé de criminalistique du médiateur scientifique Ludovic Fournier qui s'entremêle à la conversation des Esprits.]
Le médiateur scientifique : Et vous êtes à peine arrivés que j'ai déjà une question pour vous. À votre avis, lorsque l'on fait de la criminalistique, que fait-on ?
Florence [chuchotant à l’oreille de sa fille] : C’est Ludovic, Ludovic Fournier, le médiateur scientifique en chimie dont je t’ai souvent parlé.
Une personne dans le public de l’exposé : On cherche des indices pour trouver le coupable ou les coupables.
Le médiateur scientifique : On cherche des indices pour trouver le ou les coupables. Oui. D'autres idées ?
Une personne dans le public de l’exposé : On mène des enquêtes ?
Le médiateur scientifique : On mène une enquête. Alors, une enquête sur quoi ?
Delphine : Tiens, Fred ! Tu es venu écouter Ludovic ?
Fred : Aussi incroyable que cela puisse te sembler, je ne l’avais encore jamais écouté dans l’exposé de criminalistique… Une bonne occasion de venir traîner aux Étincelles !
Delphine : Il faut dire que c’est génial de pouvoir se téléporter en une seconde de l’autre côté de la Seine, non ? L’autre jour, je me disais que c’était quand même formidable que toi, l’Esprit de l’art, et moi, l’Esprit de la science, on puisse partager ça ensemble. Qu’il y ait un événement marquant de l’histoire de notre Palais que tu n’auras pas vécu avant moi…
Fred : Oui, moi aussi je trouve ça formidable ! C’est… émouvant !
Fred : Après restauration, quel lustre il va avoir, notre Palais ! Tout est supervisé par des architectes des Monuments historiques, avec une foule de corps de métiers et d’artisans : des doreurs, des sculpteurs, des restaurateurs… La rotonde du Palais de la découverte va resplendir !
Delphine : Ça fait tellement envie !
Fred : Oui. Du point de vue architectural, ce bâtiment des Étincelles est aussi une réussite. Tout ce bois clair, c’est fort agréable...
Delphine : C’est ça, l’écoconception !
Fred : Dis-moi, Delphine, tu pourras me réexpliquer ce principe et cette manipulation de l’induction électromagnétique dans l’affaire du 2 septembre ? Tu sais, les feux-follets-qui-ne-sont-pas-des-feux-follets ?
[L’exposé se termine.]
Le médiateur scientifique : Des choses qui sont un petit peu différentes dans la réalité. On aura le temps un petit peu d'en discuter.
Florence [à sa fille Myriam] : Moi, ce que j’aime ici, c’est la manière dont on a réemployé des éléments de l’ancien Palais. Tu vois les patères colorées au mur ?
Fred [à Delphine] : C’est fou, c’est exactement ce que j’allais dire ! Ça ne te rappelle pas une certaine exposition sur l’histoire géologique de la Terre, il y a quelques années ?
Delphine : T'as l’œil, dis donc… et une bonne mémoire ! J’ai bien remarqué par contre ces parquets et tous ces éléments de menuiserie de l’ancien Palais qui ont été réutilisés un peu partout. C’est bien ingénieux, de recycler comme ça… Ici, c’est exotique, et en même temps, j’ai l’impression d’être à la maison… Tu as remarqué qu’il y a des nouveaux exposés ? J'te conseille celui sur les plantes carnivores.
Fred : Oui, surtout la soirée sidérale autour du télescope James Webb… J’ai rarement vu le Planétarium comme ça ! Assister à la naissance de toutes ces étoiles, nichées dans leur cocon de poussière…
Delphine : … par la grâce des infrarouges. Moi aussi j’ai trouvé ça sublime !
Fred : Époustouflant ! Et à la pointe des nouvelles découvertes : James Webb, c’est une révolution, ai-je cru comprendre !
Delphine : Tiens, Madame la journaliste et sa fille s’en vont. Ça a eu l’air de drôlement l’intéresser, la petite, l’exposé de criminalistique…
Fred : Peut-être a-t-on suscité une nouvelle vocation ?
[On entend Myriam parler à sa mère, alors qu’elles se dirigent vers la sortie.]
Myriam : Cet exposé, ça donne vachement envie de travailler dans la police scientifique, tu ne trouves pas ? Collaborer avec toutes les autres disciplines scientifiques pour aider à la résolution d’une enquête…
Florence : Et tu choisirais quelle spécialité ?
Myriam : Mmm… la chimie, je crois.
Florence : Pour révéler les traces de sang, hin hin hin [ricanement sardonique]… Tu te rappelles les phrases d’Edmond Locard, qui étaient projetées en introduction de l’exposé de criminalistique ?
Myriam : C’était qui, déjà, lui ?
Florence : Le professeur de médecine légale qui a fondé le premier laboratoire de police scientifique au monde. Le médiateur nous en parlé au début… J’ai trouvé ces citations intéressantes, je les ai notées. Je me suis dit que ça allait m’aider pour mon enquête : « Nul ne peut agir avec l’intensité que suppose l’action criminelle sans laisser des marques multiples de son passage. Tantôt le malfaiteur a laissé sur les lieux les marques de son activité, tantôt par une action inverse, il a emporté sur son corps ou sur ses vêtements les indices de son séjour ou de son geste. »
Myriam : Mais tu ne m’avais pas dit qu’on n’avait retrouvé aucune trace, justement ?
Florence : C’est vrai. J’ai re-regardé les images, je suis retournée inspecter les lieux où la silhouette est passée, mais je n’ai rien trouvé… Tu veux que j'te montre ?
[Elles s’éloignent.]
Fred : Tiens, regarde par la fenêtre : elles s’éloignent un peu... Peut-être qu’elles font une pause au soleil entre deux exposés… Elles farfouillent par terre sous un banc…
Delphine : Viens, approche-toi, cette fenêtre est ouverte. Ils ont d’ailleurs l’air de pas mal apprécier ça, les humains, ce qu’ils appellent « la tiédeur de l’automne »… J’aimerais tellement savoir quelle sensation ça fait !
Scène 2 : À l’extérieur des Étincelles
Myriam : Maman, faut que j'bouge, j’ai cours dans une heure ! C’était vraiment trop bien en tout cas les Étincelles, merci de m’y avoir enfin emmenée ! Tu fais quoi toi ?
Florence : Moi ? Je crois que je vais m’asseoir, faire une pause sous les arbres pour réfléchir un peu à tous ces éléments…
Myriam : Bon, alors à ce soir !
Florence : Tu rentres vers quelle heure ?
Akimou : Ah ah ah, ils sont tous pareils ! Les miens, c’est la même chose.
Florence [surprise] : Oups, pardon, vous m’avez fait peur, je n’avais pas vu que vous étiez là… Bonjour… Vous… vous êtes agent de sécurité ici ?
Akimou : Oui, depuis l’ouverture du site…
Florence : Je ne vous avais encore jamais vu !
Akimou : Vous ne m’avez jamais remarqué, mais moi je vous ai déjà aperçue plusieurs fois ici… Vous êtes scientifique ?
Florence : Journaliste.
Akimou : Ça n’est pas tout à fait la même chose…
Florence : Vérifier ses hypothèses et recouper ses sources, disons qu’il peut y avoir des points communs avec la démarche scientifique… Mais aujourd’hui on est pris par l’immédiateté, la réactivité, le temps réel… au point de tordre la réalité. Ça va trop vite pour moi !
Akimou : Après tout, qu’est-ce que c’est, la réalité ? Le vrai, le faux… Mais vous avez raison : ça va trop vite.
Florence : Je m’appelle Florence et je prépare un reportage sur les Étincelles et le projet du nouveau Palais de la découverte. Je me suis un peu spécialisée dans le journalisme scientifique depuis quelques années.
Akimou : Enchanté. Akimou ! Vous pouvez m’appeler Akimou.
Florence : Enchantée. Je me demandais, Akimou… Vous étiez de garde durant la nuit du 1er au 2 septembre ?
Akimou : Vous voulez parler de cette fameuse nuit dite « des feux follets » ?
Florence : Oui, mais l’équipe de médiation m’a bien confirmé que les feux follets sont des phénomènes lumineux provoqués par une réaction chimique entre du méthane et des phosphines : impossible ici.
Akimou : Je le sais bien. Vous devriez dire « SERAIENT des phénomènes lumineux ». Car ce ne sont que des suppositions. Ils sont très difficiles à étudier, et le phénomène n’a jamais encore été formellement expliqué scientifiquement. Les feux follets sont largement une question de croyances… Mais pour répondre à votre question : non, je ne les ai pas vus. Je travaille rarement de nuit. En tout cas, ce que je vois, ce sont de plus en plus de gens qui prennent en photo les Étincelles, ça, c’est sûr… Évidemment, étant sur place, j’ai suivi de près toute la résolution de l’affaire : j’ai vu les images de vidéosurveillance, et mes collègues ont eu droit à une démonstration de l’expérience pour pouvoir renseigner les éventuels curieux.
Florence : Et pas vous ?
Akimou : J’y ai assisté aussi bien sûr, mais je connaissais déjà ... l’expérience… Je dois vous laisser à présent, c’est la fin de ma pause.
Florence : Ah très bien… Merci de l’avoir passée avec moi.
Akimou : C’était un plaisir. À bientôt !
Scène 3 : Chez Florence
[On entend le journal télévisé.]
Le présentateur du journal : En ce deuxième mardi du mois d’octobre, on célébrait aujourd’hui sur toute la planète le Ada Lovelace Day, la journée Ada Lovelace, destinée à promouvoir le rôle des femmes en sciences. Melissa Gourzi, qui était donc Ada Lovelace ?
Melissa Gourzi : Eh bien, c'était une Anglaise, de son vrai nom Augusta Ada King, comtesse de Lovelace. Elle n’était autre que la fille de Lord Byron, oui, l’illustre et flamboyant poète romantique. Et ce fut surtout une mathématicienne au génie précoce, dans tous les sens du terme : même si elle n’avait que 36 ans à sa mort, en 1852, elle avait tout de même eu le temps de concevoir le premier programme informatique auquel elle a donné son prénom… Cent ans avant même l’apparition des premiers ordinateurs ! Quant à sa vie, à la fois étonnante et dramatique, elle a fait l’objet de plusieurs adaptations…
Myriam [couvrant la voix de la présentatrice] : Eh oui, girl power ! Tu te rappelles, l’exposé de criminalistique l’autre jour ? C’était bien ! Je l’ai re-regardé sur YouTube, tu savais que c’était Ludovic Fournier qui…
[L’interrompt la sonnerie un peu ringarde du téléphone de sa mère Florence.]
Myriam : Maman, ta sonnerie, c’est vraiment pas possible.
Florence : Tiens, quand on parle de science… C’est Akimou ! Il est étonnant, ce monsieur… Allô ? Bonsoir Akimou !
Akimou : Bonsoir Florence, j’espère que vous allez bien. Il faut que vous veniez aux Étincelles demain, si cela est possible. Il s’est encore passé quelque chose.
Florence : Quoi ? Que s’est-il passé cette fois ?
Akimou : Euh…
Florence : Demain à 9 heures ! Pas de problème, j’y serai.
Fin de l'épisode 2.
Un problème d’induction électromagnétique... Mais qui est derrière tout cela ? Emmanuel, médiateur en physique, en fait la démonstration : il s’agissait probablement d’induction électromagnétique… Mais qui est derrière tout cela ?
Deux semaines plus tard, Florence et sa fille Myriam assistent à l’exposé de criminalistique, sous le regard des Esprits. À la sortie, Florence fait la connaissance d’un certain Akimou, agent de sécurité.
Et, alors que les médias célèbrent la journée Ada Lovelace, Florence reçoit une nouvelle alerte : « Venez demain si vous pouvez. Il s’est encore passé quelque chose. »