Alexandre Héraud (voix off)
Léa Minod (journaliste)  
Mélanie Vennin (médiatrice)
Greg Germain et Audrey Stupovski (lecture)
Erwin Schrödinger - Qu'est-ce que la vie ? (S2E8)
Liste des intervenants
- Alexandre Héraud (voix off)
 - Léa Minod (journaliste)
 - Mélanie Vennin (médiatrice)
 - Greg Germain et Audrey Stupovski (lecture)  
 
Léa Minod : Il est connu pour avoir imaginé un chat enfermé dans une boîte avec un atome radioactif et une fiole de poison. Il est connu aussi pour avoir, en 1925, conçu une équation fondamentale de la mécanique quantique ondulatoire portant son nom et commençant par psi. Mais il est surtout connu pour son livre, qu'on pourrait prendre pour un traité de biologie, voire une réflexion philosophique ou théologique : Qu'est-ce que la vie ? paru alors que le vivant était particulièrement malmené à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Erwin Schrödinger, grand physicien autrichien et prix Nobel en 1933 pour sa fameuse équation, relie dans ce livre la physique à la biologie et donc, à la vie. Un pari ardu que nous propose de relever Mélanie Vennin, médiatrice en physique, du Palais de la découverte. Bonjour Mélanie.
Mélanie Vennin : Bonjour Léa.
Léa Minod : Avant de plonger dans l'extrait que vous avez choisi, pouvez-vous nous rappeler ce qu'est la mécanique quantique ?
Mélanie Vennin : La mécanique quantique, c'est une théorie de la physique qui tente d'expliquer ce qui se passe lorsqu'on regarde le tout petit, lorsqu'on regarde la matière à l'échelle des atomes.
Léa Minod : Peut-on vraiment voir cette matière ?
Mélanie Vennin : On arrive à photographier maintenant, d'une certaine manière, jusqu'à des atomes d'hydrogène mais ça, c'est tout récent, à l'époque où Erwin Schrödinger parlait, non, on ne pouvait pas la voir. On pouvait peut-être commencer à la voir indirectement.
Léa Minod : La mécanique quantique, c'est une œuvre d'imagination en quelque sorte ?
Mélanie Vennin : C'est une théorie, une conceptualisation qui nous permet de tenter d'appréhender ce que l'on « voit », entre gros guillemets, parce que c'est souvent par méthode très indirecte, au niveau de la structure vraiment atomique des choses.
Léa Minod : Pourquoi est-ce que vous avez choisi ce livre Qu'est-ce que la vie ? d'Erwin Schrödinger ?
Mélanie Vennin : Je l'ai choisi parce que, comme vous l'évoquiez un peu dans le chapeau, ce qui m'a particulièrement intéressée, c'est que ce physicien s'intéresse aussi au vivant. Il y a ici un physicien qui tente de regarder le vivant et de chercher à comprendre pourquoi est-ce qu'on est animé, et je trouvais ça assez intéressant.
Léa Minod : Vous souvenez-vous de la première fois que vous avez lu ce livre ?
Mélanie Vennin : Oui, mais c'était il y a peu, c'était il y a moins d'un an.
Léa Minod : Mais pourquoi êtes-vous tombée dessus ?
Mélanie Vennin : Je suis tombée dessus parce que moi je suis arrivée au Palais de la découverte il y a 18 mois et que, m'intéressant à la physique, ce livre-là d'Erwin Schrödinger est un peu un livre de référence quand on parle d'interdisciplinarité, de discussions entre différentes disciplines. Ce livre-là arrive assez vite.
Léa Minod : De quoi parle l'extrait que vous avez choisi ?
Mélanie Vennin : D'une tentative d'explication d'Erwin Schrödinger, à une époque où on commençait à comprendre le rôle de l'ADN dans le mécanisme héréditaire de la vie. Rosalind Franklin n'avait pas encore fait ces images aux rayons X qui ont permis de définir que la structure de l'ADN était en forme d'hélice, de double hélice même, et la discipline de la biologie quantique, ou biologie moléculaire, n'existait pas encore. Mais on avait compris que, fort probablement, l'ADN était impliqué dans l'hérédité. Et lui, ce qu’il tente là, c'est d'expliquer ces mutations en utilisant les outils de la mécanique quantique.
Léa Minod : On plonge maintenant dans l'infiniment petit et on écoute Schrödinger.
Greg Germain et Audrey Stupovski (lecture) : « Explication par la théorie des quanta.
À la lumière de nos connaissances actuelles, le mécanisme de l’hérédité est intimement apparenté à – ou plutôt basé sur – le principe même de la théorie des quanta. Cette théorie fut proposée par Max Planck en 1900. […]
Théorie des quanta – états discontinus – sauts quantiques.
La grande révélation de la théorie des quanta fut que des caractères de discontinuité furent découverts dans le Livre de la Nature, dans un contexte où toute autre chose que la continuité apparaissait comme absurde d’après les vues admises jusqu’à ce moment.
Le premier cas de ce genre était relatif à l’énergie. Un corps à grande échelle change son énergie d’une manière continue. Un pendule, par exemple, auquel on imprime un mouvement d’oscillation, est graduellement ralenti par la résistance de l’air. Quelque étrange que cela puisse paraître, il s’est avéré nécessaire d’admettre qu’un système à l’échelle atomique se comporte différemment. Pour des raisons que nous ne pouvons développer ici, il nous faut admettre qu’un système très petit ne peut, de par sa nature même, posséder que certaines quantités discontinues d’énergie, appelées ses niveaux énergétiques particuliers. La transition d’un état à un autre est un évènement plutôt mystérieux, qu’on appelle habituellement un « saut quantique ».
[…]
Pour des systèmes à petite échelle, la plupart de ces caractéristiques ou d’autres similaires changent d’une manière discontinue. Elles sont « quantifiées » exactement comme l’est l’énergie.
[…]
Le passage de l’une de ces configurations à une autre est un saut quantique. Si la seconde possède la plus grande énergie (ou « est à un niveau supérieur »), le système doit recevoir du milieu environnant au minimum la différence entre les deux énergies pour que la transition soit possible. Mais il peut passer spontanément à un niveau inférieur en dépensant le surplus d’énergie sous forme de radiations. »
Léa Minod : Dans ce texte que l'on vient d'entendre, Mélanie Vennin, il est fait référence à Max Planck et à sa théorie des quanta. Pouvez-vous nous rappeler ce qu'est la théorie des quanta ?
Mélanie Vennin : Oui, la théorie des quanta, c'est vraiment l'origine de la mécanique quantique. Max Planck, en 1900, émet l'hypothèse que l'énergie est discontinue et qu'elle ne peut être transmise que de manière discontinue par des petits paquets d'énergie et la taille de ces paquets d'énergie va être dépendante de la longueur d'onde ou de la fréquence du rayonnement qu'on envoie.
Léa Minod : Dans le texte également, il dit : « le passage de l'une de ces configurations à une autre est un saut quantique ». À quoi il est fait référence quand il parle de ces configurations ?
Mélanie Vennin : Oui, effectivement, il y a des petites césures dans le texte, mais en fait à chaque niveau énergétique, on va d’ailleurs dire un « état énergétique » plutôt qu’un niveau énergétique, on peut considérer qu'un état va représenter une configuration de l'ensemble des corpuscules du système de l'atome.
Léa Minod : Ce qui signifie ?
Mélanie Vennin : Ce qui signifie que, pour un état d'énergie, les corpuscules ou les atomes du système, l'ensemble des éléments du système, vont être dans une configuration donnée. En partant du principe que quand on passe d'un état à un autre, la configuration change.
Léa Minod : C'est tout ?
Mélanie Vennin : C'est tout.
Léa Minod : C'est aussi simple que cela ! Et quelle est, vous, votre définition du saut quantique ?
Mélanie Vennin : Ma définition du saut quantique ? Alors là, mystère. Même Erwin Schrödinger ne s'aventure pas dans ce livre à aller le définir, parce que ça va être le passage d'un état à un autre, soit par un apport d'énergie, soit par d'autres effets. Mais en tout cas, on constate qu'il y a certains effets, comme « l'effet tunnel », par exemple, qui permettent à la matière de passer d'un état à un autre sans qu'on lui apporte nécessairement de l'énergie par l'extérieur.
Léa Minod : C'est quoi cet effet tunnel ?
Mélanie Vennin : Admettons, imaginons : vous avez deux vallées et une montagne entre les deux vallées. Soit, pour passer d'une vallée à une autre, vous déployez l'énergie nécessaire à monter au sommet de la montagne et redescendre de l'autre côté. La descente est un peu plus facile en général. Cela, c'est une première solution : vous apportez de l'énergie, vous passez au sommet de la montagne et vous redescendez. Deuxième solution : et là, allez savoir pourquoi, vous passez au travers de la montagne par un « tunnel » entre guillemets.
Léa Minod : Et si on met ça à l'échelle des molécules, cela donne quoi ?
Mélanie Vennin : Si on met cela à l'échelle les molécules, alors là je vais commencer à utiliser des jargons. Les deux vallées sont deux puits de potentiel et pour passer de l'un à l'autre de ces puits, soit il faut apporter de l'énergie et puis on peut espérer que la particule redescende dans l'autre vallée, soit, il peut y avoir des effets, comme l'effet tunnel, que je maîtrise vraiment très mal, mais où la particule va passer d'une vallée à l'autre sans apport d'énergie extérieur.
Léa Minod : Et l'effet tunnel permet un saut quantique ?
Mélanie Vennin : Le saut quantique, c'est le passage de la vallée à l'autre.
Léa Minod : Ah d'accord !
Mélanie Vennin : Et la vallée, dans certains cas, peut être à un niveau un peu supérieur, pas forcément au même niveau par rapport à la mer. Une des deux vallées peut être un état énergétique supérieur à l'autre.
Léa Minod : Et par deux fois dans son texte, Erwin Schrödinger précise « pour des raisons que nous ne pouvons pas développer »... À qui s'adresse ce texte ? Parce qu'il est quand même assez difficile à comprendre quand on n'a pas le vocabulaire de physiciens et quand on ne connaît pas tout ce langage-là.
Mélanie Vennin : En fait ce livre est issu d'une série de conférences qu’il a réalisées en 1943, je crois, devant un auditoire de plusieurs centaines de personnes, quatre cents personnes de mémoire, où il était précisé que son intention était de vulgariser certaines notions de la physique pour pouvoir s'adresser à un public scientifique éclairé un minimum, je pense, mais qui soit dans une logique de transversalité. Évidemment, il n'y avait pas forcément que des physiciens dans son auditoire, mais les personnes qui venaient savaient en amont que le sujet était assez costaud.
Léa Minod : On continue dans ce sujet costaud notre plongée sonore au niveau des molécules.
Greg Germain et Audrey Stupovski (lecture) : « Molécules.
Parmi les séries discontinues d’états correspondant à une certaine sélection d’atomes, il n’est pas nécessaire mais il est possible qu’il y ait un niveau inférieur : ceci implique un proche voisinage des noyaux les uns par rapport aux autres. Des atomes dans un tel état constituent une molécule. Ici, le point saillant est que la molécule devra nécessairement posséder une certaine stabilité. La configuration ne peut changer sans qu’au minimum la différence d’énergie requise pour l’« élever » au niveau immédiatement supérieur soit fournie de l’extérieur.
[…]
Leur stabilité dépend de la température.
[…]
Pour l’élever à l’état ou niveau immédiatement supérieur, il faut suppléer une quantité définie d’énergie. La façon la plus simple d’essayer de faire cet apport, c’est de chauffer notre molécule. […] À toute température (autre que le zéro absolu) il y a une certaine chance, plus ou moins grande, pour que cette élévation se produise, cette chance augmentant bien entendu avec la température du bain de chaleur. La meilleure façon d’exprimer cette chance est d’indiquer le « temps d’attente », c’est-à-dire, le temps moyen qu’il faudra attendre pour que cette élévation se produise.
[…]
Premier amendement.
En exposant ces considérations comme une théorie de la stabilité de la molécule, il a été admis tacitement que le saut quantique que nous avons dénommé l’« élévation » mène, sinon à une désintégration complète, tout au moins à une configuration essentiellement différente des mêmes atomes ou, comme l’appellerait le chimiste, à une molécule isomère, c’est-à-dire une molécule composée des mêmes atomes mais arrangés d’une manière différente. Dans l’application à la biologie, ceci correspondra à un allélomorphe différent dans le même « locus », et le saut quantique représentera une mutation. »
Léa Minod : Mélanie Vennin, depuis tout à l'heure on parle de molécules et là aussi, il y est fait référence « des atomes dans un tel état constitue une molécule ». Est-ce qu'on peut revenir à la base, pouvez-vous nous rappeler ce qu’est une molécule ?
Mélanie Vennin : Je ne suis pas chimiste, mais une molécule, on peut considérer que c'est un agencement d'atomes liés entre eux.
Léa Minod : Et quel est cet état dont parle Schrödinger ici dans ce texte, « pour l'élever à l'état au niveau immédiatement supérieur » ?
Mélanie Vennin : Il reparle des états énergétiques de la première partie du texte. Quel est l'état exact ? On ne sait pas. Ce qu'il dit après, c'est qu'une molécule, si elle existe, les atomes sont liés et restent lié entre eux. Cela veut dire que cet état est stable. Reprenons nos vallées. Il y a deux vallées. Si la molécule est dans la première vallée, elle est stable. Si on ne lui apporte pas d'énergie, elle ne va pas aller monter toute seule en haut de la montagne. Si la deuxième vallée est cent mètres plus haut que la vallée dans laquelle est la molécule, et bien cette deuxième vallée va être à un niveau supérieur. Mais on pourrait imaginer que la molécule a d'autres niveaux énergétique possibles. Alors soyez rassurée, si quelqu’un vous dit qu'il a tout compris de la physique quantique, c'est qu'il vous ment [rires]. Mais en tout cas, la base de la mécanique quantique ou de la physique quantique, je fais un amalgame entre les deux, c'est se dire qu'une molécule, comme n'importe quelle particule, a plusieurs niveaux d'énergie possibles et que, si on prend le niveau le plus bas, il reste d'autres niveaux encore à atteindre, et si on lui apporte de l'énergie peut-être qu'elle va changer de niveau. Elle va comme monter un escalier énergétique, elle va passer du palier un au palier deux, par exemple.
Léa Minod : Cette énergie, on lui apporte en la chauffant ?
Mélanie Vennin : Là, dans cette expérience de pensée d'Erwin Schrödinger, oui, c'est en la chauffant, c'est un moyen assez simple d'apporter de l'énergie.
Léa Minod : Mais à quoi cela sert de la faire chauffer cette molécule ?
Mélanie Vennin : Cela va lui apporter de l'énergie d'agitation qui va éventuellement lui apporter de l'énergie suffisante pour pouvoir effectuer le saut quantique qui est le passage du palier 1 au palier 2. Il va falloir lui apporter l'énergie nécessaire : passer d'un palier à un autre. En chauffant, on peut apporter cette énergie.
Léa Minod : Et ce qu’il dit aussi, c'est que le passage de cette énergie correspond, en biologie, à ce qu'on appelle une mutation ?
Mélanie Vennin : Alors à l’origine, Erwin Schrödinger a en tout cas inspiré les biologistes qui ont créé la discipline de la biologie quantique, la biologie moléculaire. Mais en fait son hypothèse sur la manière dont l'ADN est structuré et comment se passe le mécanisme héréditaire est d'une certaine manière, assez juste, en ce sens qu'il considère la molécule d'ADN comme une suite d'atomes qui définissent un code.
Léa Minod : Le code génétique ?
Mélanie Vennin : Ce qu'il supposait être le code génétique, oui. Finalement, la molécule d'ADN est un petit peu plus complexe que ça, c'est une suite de bases aminées. Alors là vraiment, je m'aventure sur un terrain qui n'est pas le mien, mais qui doit en plus être décodé d'une certaine manière pour créer de l'ARN messager. C'est un petit peu plus complexe que ce qu'il expliquait. Mais pour lui, en tout cas là dans ce livre, il va considérer la molécule d'ADN comme un cristal. Un cristal, c'est un agencement d'atomes normalement organisés de manière régulière dans l'espace. Là, il va considérer que c'est un agencement d'atomes de manière irrégulière qui compose un code, un peu comme du morse. C’est-à-dire que, je vais vraiment dire des bêtises, mais disons qu’on va avoir un atome d'oxygène, un atome de carbone, de l'hydrogène donc on va avoir OCH et puis après, si on met un autre carbone, ça va générer un code. Bon, ce n’est pas exactement comme cela que ça se passe, finalement. Mais, en tout cas, lui, il considère ainsi la molécule comme un cristal, qu’il va même appeler cristal apériodique, dans le sens où ce code ne se répète pas indéfiniment dans l'espace. Cela est la base. Ensuite une mutation serait, dans son hypothèse, l'échange entre deux atomes. Par exemple, l'atome de carbone et l'atome d'oxygène vont changer de place, vont s'intervertir.
Léa Minod : Du fait d'un saut quantique ?
Mélanie Vennin : Oui, du fait d'un saut quantique. Parce que, au départ, la molécule, avec son code dans l'ordre initial, est stable. Elle est dans une vallée.
Léa Minod : Mais si on la chauffe ?
Mélanie Vennin : Mais si on la chauffe, il y a statistiquement une chance d'apporter l'énergie suffisante pour passer à un autre état énergétique qui serait celui où deux atomes ont changé de place, se sont intervertis, parce que ce n'est pas le même état, ce n'est pas la même configuration. Si l'oxygène et le carbone se sont intervertis, ce n'est plus le même. Dans l’ensemble, on a les mêmes atomes…
Léa Minod : Mais ce n’est plus la même molécule, c'est cela ?
Mélanie Vennin : C'est une molécule isomère, si je ne me trompe pas. Il emploie ce mot, une molécule isomère, c'est-à-dire qu'elle a les mêmes composants, sauf qu'ils ont changé de place. Donc, elle n'est pas organisée dans l'espace de la même manière.
Léa Minod : Et ce changement correspond à une mutation, comme on appelle cela en biologie ?
Mélanie Vennin : Voilà, alors c'est là qu'il faut prendre avec des pincettes, parce qu'en fait, en biologie, si on regarde la structure de l'ADN, ce n'est pas aussi simple que cela, entre guillemets. L'ADN n'est pas une longue ligne d'atomes qui se suivent les uns les autres, qui s'intervertissent comme ça, deux à deux.
Léa Minod : Peut-on quand même préciser quelles sont les répercussions de ce livre, Qu'est-ce que la vie ?, Mélanie Vennin, pour la recherche scientifique ? Qu'est-ce qu’il a permis d'ouvrir comme portes ce livre ?
Mélanie Vennin : Ce livre, il a ouvert la porte de la biologie quantique. Je vais reprendre le livre.
Léa Minod : Vous avez le livre en édition de poche.
Mélanie Vennin : Oui, j'ai là le livre en édition de poche, et il y a une petite préface d'Antoine Danchin qui précise que les pères de la biologie moléculaire ou biologie quantique, Monsieur Crick et Monsieur Wilkins, se sont inspirés fortement de ce livre. Cette intuition que la physique quantique permettrait d'expliquer des mécanismes biologiques de mutation leur a permis d'aller développer leurs recherches, localiser les gènes et de préciser cela. On a évoqué l'effet tunnel, aujourd'hui, en 2023, et je laisserai mes collègues préciser, mais il y a certaines explications de nos mutations qui peuvent être dues à des effets tunnel, qui est un mécanisme que l'on observe à l'échelle de la mécanique quantique, c'est-à-dire l'échelle des atomes.
Léa Minod : [Conclusion] Qu'est-ce que la vie ? fait donc date dans la littérature scientifique en ouvrant les perspectives d'une compréhension nouvelle de notre monde et des formes de vie. Mais si l'on ne renie pas les talents de l'homme de science qu'il était, Erwin Schrödinger, difficile aujourd'hui de taire son passé d'homme pédophile amoureux de trop jeunes filles dont il consignait les enquêtes dans son journal intime aux accents misogynes, si bien qu'un bâtiment du Trinity College de Dublin, qui portait son nom, a été débaptisé en 2021. Et c'est peut-être là finalement, le paradoxe intime de Schrödinger. Comment peut-on, à ce point-là, chercher à comprendre la vie tout en dénigrant une partie de l'humanité ? Pour plonger encore dans cette série « Sciences lues », rendez-vous sur le site du Palais de la découverte et sur les plateformes de podcast. Merci à Mélanie Vennin, médiatrice en physique du Palais de la découverte, d'être venue à ce micro.
Il est connu pour avoir imaginé un chat enfermé dans une boîte avec un atome radioactif et une fiole de poison. Il est connu aussi pour avoir conçu, en 1925, une équation fondamentale de la mécanique quantique ondulatoire. Mais il est surtout connu pour son livre que l’on pourrait prendre pour un traité de biologie, voire une réflexion philosophique ou théologique : Qu’est-ce que la vie ?, paru alors que le vivant était particulièrement malmené à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Erwin Schrödinger, grand physicien autrichien prix Nobel en 1933 pour sa fameuse équation, relie dans ce livre la physique à la biologie et donc… à la vie. Un pari ardu que nous propose de relever Mélanie Vennin, médiatrice en physique du Palais de la découverte.