Si vous avez lu Le Parfum de l’Allemand Patrick Süskind, paru en 1985, vous vous souvenez peut-être de son ambiance à la fois lugubre et envoûtante et de son personnage principal, Jean-Baptiste Grenouille, sorte de Quasimodo maléfique, aux narines prodigieuses. Mais aussi des odeurs qui parcourent le récit...  Un roman traduit dans plus de 40 langues, vendu à des millions d’exemplaires et adapté au cinéma en 2006. 


Découvrez un extrait du texte de Le Parfum 

Cela titillait la veine alchimique de Baldini et il sortait son gros alambic, une chaudière de cuivre rouge coiffée d’un chapiteau- un alambic « tête-de-maure », comme il le proclamait fièrement, dans lequel il distillait de la lavande en pleins champs, voilà déjà quarante ans, sur les adrets de Ligurie et les hauteurs du Lubéron. Et tandis que Grenouille coupait en petits morceaux le matériau à distiller, Baldini faisait fiévreusement (car la rapidité de l’opération était toute la recette du succès en la matière) du feu dans un foyer en maçonnerie, sur lequel il plaçait la chaudière de cuivre, bien garnie d’eau dans son fond. Il y jetait les plantes préalablement coupées en morceaux, enfonçait la tête-de-maure sur son support et y branchait deux petits tuyaux pour l’arrivée et la sortie de l’eau. Ce subtil dispositif de refroidissement par eau, expliquait-il, n’avait été rajouté par ses soins qu’après coup, car dans le temps, en pleine campagne, on s’était contenté de refroidir en brassant l’air. Puis Baldini attisait le feu au soufflet.  

Peu à peu, la chaudière parvenait à l’ébullition. Et au bout d’un moment, d’abord en hésitant et goutte à goutte, puis en un mince filet, le produit de la distillation s’écoulait de la tête-de-maure par un troisième tuyau et aboutissait dans un vase florentin, que Baldini avait mis en place. Il ne payait pas de mine, au premier abord ; ce brouet trouble et délayé. Mais peu à peu, surtout quand le premier récipient plein avait été remplacé par un deuxième et mis tranquillement de côté, cette soupe se séparait en deux liquides distincts : en bas se ramassait l’eau des fleurs ou des plantes, et au-dessus flottait une épaisse couche d’huile. Si, par le bec inférieur de ce vase florentin, on évacuait précautionneusement l’eau de fleurs, qui n’avait qu’un faible parfum, il restait alors l’huile pure, l’essence, le principe vigoureux et odorant de la plante.  


À noter : dans cet extrait littéraire, des termes datant de l'époque à laquelle se déroule l'intrigue sont utilisés, notamment celui de « tête-de-maure » pour désigner la tête de l’alambic, dont la connotation raciste peut choquer. Cette appellation de l'époque pourrait provenir de la ressemblance, dans l’imaginaire européen, de cette partie de l’alambic, associée au col de cygne, avec une tête humaine coiffée d’un turban. Le nom donné à l’objet pourrait également être une allusion à l’origine géographique de la technique de la distillation perfectionnée par les savants arabes comme Jâbir ibn Hayyân.

Sokunthea Thlang (Médiatrice)  
Léa Minod (Journaliste) 
Victor Lazlo (Lecture)
Bertrand Chaumeton (Réalisation)
Écran sonore (Production exécutive) 

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