Cette semaine, ce sont Sophie et Yann, médiateurs en Sciences de la vie, qui décryptent vos œuvres d’art sous-marines. Tous deux plongeurs et passionnés par la vie marine, ils ont souvent observé cet animal étrange dans son milieu naturel.

 

 

  • Le kraken

    Inès, Corentin, Camil et Martine ont représenté le « kraken », le monstre marin des légendes scandinaves capable d’engloutir un vaisseau entier avec son équipage. 




Le plus gros poulpe du monde est une espèce (Enteroctopus dofleini) vivant dans l’océan Pacifique Nord,
notamment le long des côtes de Seattle et de Vancouver. L’eau y est froide et souvent trouble. Les plus gros individus dépassent 50 kg. Des pêcheurs ont affirmé avoir attrapé des spécimens de près de 100 kg !


Le plus gros des Céphalopodes (groupe comprenant notamment poulpes, seiches, calmars) est le calmar géant Architeuthis dux, qui peut dépasser 10 mètres de long en comptant ses tentacules chasseurs. Oui, car il en a deux, en plus de ses huit bras plus courts, comme la seiche. Contrairement au poulpe qui possède huit bras, comme le souligne à juste titre Corentin. Les bras ont des ventouses sur toute leur longueur, alors que les tentacules chasseurs n’en sont pourvus qu’à leur extrémité.


Lors d’une tentative de record de tour du monde à la voile en équipage en janvier 2003, le bateau Geronimo du navigateur Olivier de Kersauson a heurté de nuit un calmar géant. Le calmar n’est resté accroché au bateau que quelques minutes, mais les témoins ont vu à la lumière de leur torche un animal de 7, 8 ou 9 mètres. Le calmar géant s’approche rarement de la surface, il évolue généralement en profondeur à environ 1 000 mètres. Cet individu était-il agonisant ? Chassait-il ? Mystère… Les bateaux heurtent plus souvent des baleines ou des conteneurs.

Martine a ajouté un panier plein de Crustacés et de poissons. Elle a bien raison, le poulpe ne mange pas les équipages, mais plutôt des crabes, des crevettes, de jeunes homards et langoustes, ainsi que des coquillages et des poissons, pris dans un filet ou endormis dans une anfractuosité. Le poulpe mange aussi d’autres poulpes : eh oui, il est cannibale !

Un médiateur / un détail 
« Poulpe » et « pieuvre » sont deux noms qui désignent le même animal. Le mot « poulpe » vient du latin polypus, lui-même dérivé du grec polipus signifiant « plusieurs pieds ». Ainsi le décrivait déjà Aristote ! Le mot « pieuvre » est beaucoup plus récent. D’origine anglo-normande, il fut introduit dans la langue française par Victor Hugo, en 1866. Il utilisa ce mot, emprunté aux pêcheurs de l’île de Guernesey, dans son roman Les travailleurs de la mer pour nommer le poulpe monstrueux contre lequel le héros Gilliatt se bat. « La pieuvre est de toutes les bêtes la plus formidablement armée » (extrait du roman Les travailleurs de la mer, de Victor Hugo, chapitre « La pieuvre »).


  • Étrange mais pas monstrueux

Deux dessins réalistes, parfaits pour observer quelques caractéristiques anatomiques !

Sur celui de Mos, on reconnaît bien les huit bras qui ont donné à certaines espèces le nom de genre Octopus : « octo » vient du grec ancien oktô qui signifie « huit » et « pus » vient de pous qui signifie « le pied ». Le terme « bras » est plus approprié que « pieds » pour le poulpe, car il s’en sert pour se déplacer et attraper des objets. Au-dessus de la base des bras, sa tête étroite porte deux yeux entre lesquels est logé son cerveau encapsulé. La bouche n’est pas plus visible sur ce dessin que dans la réalité. Constituée d’un bec corné et crochu comme un bec de perroquet, elle est dissimulée au centre de la couronne de bras. La poche souple, à l’arrière des yeux, est le corps musculaire ou manteau. Sorte d’abdomen qui abrite la plupart des organes : cœurs, branchies, système digestif avec estomac, foie, pancréas, glande à venin mais aussi reins, poche du noir et organes génitaux. Tout y est ! Sous le manteau, on aperçoit une large fente d’où sort un tuyau jaune appelé siphon. Quand le poulpe inspire, l’eau entre par cette fente et remplit la cavité palléale où se trouvent les branchies. Lors de l’expiration, l’eau sort par le siphon. C’est aussi par ce dernier que sont expulsés l’encre, les excréments et les œufs chez la femelle.


Sur le dessin haut en couleurs de Laurence, les ventouses blanches sont bien visibles ! La plupart des poulpes ont deux rangées de ventouses sous chaque bras. Ces disques musculeux assurent une parfaite adhérence sur tout support, facilitant la préhension et les déplacements. Deux cents ventouses par bras, soit pas moins de 1 600 ventouses contrôlées individuellement par le cerveau ou par les ventouses elles-mêmes ! Ce fonctionnement autonome est coordonné par un réseau de ganglions nerveux situé dans les bras. Chaque ventouse est particulièrement riche en récepteurs sensoriels : chimiorécepteurs, mécanorécepteurs et propriocepteurs. Ils relaient les informations chimiques, tactiles et celles liées à l’activité des muscles à un ganglion nerveux propre à chaque ventouse, connecté au reste du réseau ganglionnaire des bras. Une grande sensibilité bien utile pour manipuler et analyser des objets, ou se mouvoir sans s’emmêler les bras !

Un médiateur / un détail
Ce dessin illustre bien la grâce avec laquelle le poulpe rampe ou marche sur le fond, à l’aide des mouvements amples et lents de ses bras. Spectacle aquatique dont je ne me lasse pas…
Il peut aussi nager rapidement, pour se dégager d’une situation dangereuse par exemple. En chassant très vite l’eau de sa cavité palléale par le siphon, le poulpe est propulsé en arrière, dans le sens opposé au jet. Il s’oriente en se servant de son siphon mobile comme d’un gouvernail et ajuste sa vitesse en écartant plus ou moins ses bras [vidéo 1].

Ce poulpe amateur de musique rappelle que les sons peuvent faire partie de l’univers des Céphalopodes.

Dans une situation très dangereuse, par exemple pour surprendre son prédateur, le poulpe peut produire un bruit sec, comme un coup de feu, par la contraction violente de son manteau. Quant aux sons de basse fréquence, ils ont un effet certain : ils désorientent les bancs de calmars sous la coque des navires de pêche industrielle, qui les produisent à cette fin. Des sons basse fréquence très puissants sont émis pour sonder les sédiments marins à la recherche de pétrole et de gaz. Des bioacousticiens les soupçonnent de provoquer des lésions irréversibles sur les Céphalopodes entre autres.

 

  • Le poulpe amoureux

Voici une vision féerique du poulpe, une représentation actuelle, loin des monstres imaginaires d’autrefois. Le poulpe est considéré aujourd’hui comme un être gracieux, intelligent. Marie a représenté trois cœurs, un clin d’œil à l’amour et à l’anatomie. En effet, le poulpe possède un cœur assisté dans ses contractions par celles des deux artères branchiales, ce qui fait un total de trois « cœurs ».
L’amour chez les poulpes est parfois risqué, car l’animal est territorial et cannibale. Le mâle insémine la femelle à bonne distance, du bout de son troisième bras droit, en déposant dans la cavité palléale de la femelle des spermatophores, de petits sacs remplis de spermatozoïdes.

Mais parfois, c’est un véritable corps à corps tout en bras et en ventouses. En plongée en Méditerranée, j’ai cru voir un poulpe en manger un autre. L’un était « normal », l’autre blanc, la pupille dilatée ; les deux étaient emmêlés comme lors d’un combat mortel. Le normal, dérangé par ma présence, a abandonné sa victime, laquelle a repris des couleurs, rampé, puis nagé à ma grande surprise ! J’avais assisté sans le savoir à un accouplement !
Le sexe est quand même mortel chez le poulpe, qui ne survit pas à la reproduction. La femelle pond ses œufs dans les semaines qui suivent l’accouplement, s’en occupe deux mois, puis meurt. Les jeunes larves de poulpes sont dispersées par les courants marins.

  • Le poulpe « alien » ?

Surprenant dessin de Calire qui met en scène un poulpe et…une météorite ! Quelle relation entre les deux ? Peut-être une hypothèse controversée selon laquelle les pieuvres auraient une origine en partie extraterrestre ? En 2018, une publication (Steele et al., 2018) propose que « l’évolution des pieuvres serait liée à l’insertion de gènes venant de virus extraterrestres apportés sur Terre par des météorites »... Les virus jouent un rôle indéniable dans les processus d’évolution du monde vivant, mais leur capacité à supporter les conditions d’un long voyage dans l’espace est quasi nulle, jusqu’à preuve du contraire.
 
Pour aller plus loin
Selon les mêmes auteurs, l’enrichissement de génomes terrestres par du matériel génétique extraterrestre expliquerait aussi l’importante diversification des espèces lors de « l’explosion cambrienne » il y a 500 millions d’années. Ces hypothèses controversées s’appuient sur une théorie de l’origine de la vie reconnue : la panspermie. Celle-là propose un ensemencement de la Terre par des « germes » extraterrestres apportés par des météorites. Mieux acceptée, la théorie de l’origine terrestre de la vie propose que les premières cellules vivantes se sont bien formées sur Terre, à partir « d’ingrédients » (molécules organiques comme des acides aminés) dont l’origine extraterrestre n’est pas exclue.

Un médiateur / un détail
Avec leurs huit bras insérés en cercle autour de la bouche, les pieuvres ont en réalité « les pieds sur la tête », ou « la tête sur les pieds », ça fonctionne dans les deux sens… Alors que chez la plupart des animaux que nous connaissons, les appendices locomoteurs sont liés au corps. Cette particularité anatomique, partagée avec les seiches, calmars, nautiles et feues les ammonites, les a regroupés sous le nom de Céphalopodes, du grec ancien képhalé qui signifie « la tête » et pous qui signifie « le pied ». À cette surprenante anatomie s’ajoutent des caractères étonnants : œil complexe, intelligence remarquable, sang bleu, trois cœurs, ventouses sophistiquées, réseau autonome de huit chaînes ganglionnaires dans les bras en plus du cerveau, encre, venin, changement de couleur… Il est peu probable que les poulpes soient extraterrestres, mais il est certain qu’ils sont extraordinaires !


  • Le roi de l'évasion


Retour dans l’imaginaire collectif maritime !
Un poulpe gardien d’un trésor englouti, caché au cœur d’une épave au fond de la mer, un scaphandre pieds lourds d’un autre temps… Un univers d’aventures que j’aime beaucoup ! Une réputation qui, elle, n’a rien d’imaginaire : le poulpe est le roi de l’évasion ! Le moindre interstice et il s’y faufile. Dépourvu de squelette et de coquille, son corps de Mollusque est complètement mou, à l’exception de trois parties : la capsule « crânienne », le bec et les yeux. Si son œil passe, le reste passe ! D’abord un ou deux bras pour estimer la taille du trou, puis les autres bras, la tête et, pour finir, son manteau dont il réduit le volume en chassant l’eau et en contractant ses muscles. Avez-vous déjà vu Marcel, le poulpe du Palais de la découverte [vidéo 2] , réaliser cet exploit ? En milieu naturel, cette capacité à se déformer lui permet de se sortir parfois de situations périlleuses !


Le poulpe de Findrielle a choisi une tanière transparente. Il peut ainsi voir les environs tout en étant à l’abri. Pas à l’abri du stress car les prédateurs vont le voir et chercher à le gober !
Un poulpe protège son corps mou en s’abritant dans une tanière faite d’une anfractuosité dans la roche, mais aussi parfois d’objets creux : parpaings, amphores, canette… La pêche au pot consiste justement à disposer sur le fond de la mer côtière des pots accrochés à une corde. Les poulpes qui s’y abritent finiront… au menu du restaurant local.


  • Dans la boîte !

Telle une illusion d’optique, cette animation me donne l’impression de voir tantôt un poulpe sur une boîte, tantôt un poulpe à l’étroit dans un bocal transparent.
Elle me rappelle aussi une scène de la vie du poulpe à laquelle j’ai eu la chance d’assister plusieurs fois : « la toilette ». Les bras enroulés les uns autour des autres sous sa tête, il les tourne frénétiquement pendant une courte minute, en les frottant les uns contre les autres. Fascinant spectacle ! On dirait les rouleaux d’une station de nettoyage pour voitures qui tournent à vive allure. Ce drôle de ballet lui sert probablement à desquamer ses ventouses, c’est-à-dire à retirer les peaux mortes.

Autre scène, moins rare : un jeune poulpe dans une cachette insolite. Ce prédateur nocturne préfère les cavités rocheuses pour se reposer la journée. Mais tout abri peut faire l’affaire, même une boîte de conserve ! N’y voyez là aucun appel à jeter nos déchets à la mer ! Leur dégradation est longue et polluante. Les ramasser est donc une bonne idée, si nul hôte n’y a élu domicile. Plastique, métal ou verre : le « meilleur » déchet pour l’océan reste… celui que l’on ne produit pas !


  • Jolie mais dangereuse

Annalisa Plaitano @LudmillaScience arrivé par Twitter « La dangereuse pieuvre aux anneaux bleus Hapalochlaena maculosa »

La couleur de ce petit poulpe australien est inhabituelle. On l’appelle là-bas « Blue Ring Octopus » et il figure parmi les espèces dangereuses. J’ai vu sur les plages de la côte Est un panneau triangulaire jaune représentant la silhouette du poulpe et mettant en garde les baigneurs contre sa morsure s’il est manipulé. Il arbore des anneaux bleus éclatants quand il est excité, pour avertir peut-être les prédateurs qu’il sait se défendre : sa salive est particulièrement venimeuse. Sa morsure chez l’être humain peut provoquer une paralysie respiratoire mortelle si elle n’est pas traitée. Mais c’est l’exception qui confirme la règle : les morsures sont très rares et la salive du poulpe commun Octopus vulgaris, celui de nos côtes, n’est venimeuse que pour ses proies.


Après capture, le poulpe injecte sa salive dans le crabe dont il a perforé la carapace avec son bec, ou dans le coquillage qu’il a percé à force de râper la valve à coups de langue, qui est couverte de dents minuscules. La coquille Saint-Jacques représentée sur le dessin de Cloé a été ainsi tuée par forage, crachat, puis ouverte et déchiquetée avec le bec. La coquille est abandonnée près de la tanière, mais les carapaces de crabe vides sont jetées plus loin, peut-être pour que l’odeur n’attire pas les prédateurs.

Pour aller plus loin

Les coquilles vides peuvent s’accumuler au point de servir de tanière aux poulpes. Un chercheur australien a découvert ainsi dans la baie de Sydney un tas de coquilles de quelques mètres carrés, perdues au milieu d’une zone sableuse, reliefs des repas d’une douzaine de poulpes qui occupent chacun leur tanière. Les conflits de voisinage sont fréquents pour ces animaux solitaires et cannibales, sans aller jusqu’au combat mortel. Le poulpe fore un trou dans la valve supérieure de la coquille, à l’aplomb du muscle adducteur pour le paralyser et permettre l’ouverture du coquillage. Le jeune poulpe apprend par tâtonnements à forer au bon endroit.

  • Jetez l'encre !

Anaé a peut-être représenté un poulpe avec son encre. À moins qu’il s’agisse d’une seiche ou d’un calmar, car dix appendices à ventouses sont dessinés.

Les Céphalopodes (poulpes, seiches, calmars) possèdent dans leur corps une « poche du noir », véritable glande capable de produire de l’encre, longtemps utilisée pour écrire ou dessiner et aujourd’hui encore pour cuisiner. L’encre contient de la mélanine, mais aussi des produits irritants pour l’odorat des prédateurs. Lorsqu’il se sent menacé, le poulpe expulse son encre par des contractions de sa poche du noir, dont une partie du contenu se retrouve dans la cavité palléale. Puis la contraction de son manteau chasse le mélange d’eau et d’encre par le siphon. Le nuage d’encre distrait le prédateur et neutralise également son odorat pour quelque temps : le congre ou la murène aura du mal à retrouver sa proie, partie en nageant à reculons sur plusieurs dizaines de mètres [vidéo 1]. Certains poulpes vivant à grande profondeur dans l’obscurité permanente produisent une encre bioluminescente grâce à des bactéries hébergées dans leur « poche du blanc » !


  • Le caméléon de la mer

Référence bien trouvée à l’espionne Cartapus, interprétée par Chantal Lauby dans le film Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre ! Championne de changement de couleur, la pieuvre peut imiter à la perfection les rochers au milieu desquels elle se cache. [vidéo 1] Sa peau est constellée de cellules particulières (chromatophores, leucophores, iridophores), qui permettent de composer à la demande toute une palette de motifs, appelés patterns par les spécialistes, à base de taches, de marbrures, de zébrures. Très utiles au camouflage, ces patterns le sont aussi à la communication. Le poulpe contrôle également les muscles de sa peau pour apparaître lisse ou hérissé de picots, appelés papilles dermiques. Il imite ainsi la rugosité des rochers. L’aspect d’un poulpe (ou d’une seiche) reflète en temps réel son état mental, au point que l’on étudie ses émotions en laboratoire par observation et enregistrement vidéo de ses patterns quand il est au repos, en chasse, au moment de la capture ou de la consommation d’une proie.


Le dessin de Naïl nous rappelle que les poulpes sont capables de changer de couleur : du blanc au noir, en passant par toutes les teintes de marron, jaune, rouge, avec des touches de rose et orange, et des reflets bleus et verts. Ils créent cette large palette de teintes par la combinaison de pigments (rouges, jaunes, oranges, bruns et noirs) et de réflecteurs de lumière.
Les pigments sont contenus dans des « sacs élastiques », les cellules chromatophores. La contraction des fibres musculaires qui les entourent, commandée par le système nerveux, entraîne une dilatation des sacs : les pigments s’étalent, les couleurs sont plus intenses.
Sous quatre ou cinq couches de chromatophores, les iridophores, cellules iridescentes, reflètent principalement la lumière bleu-vert et changent de couleur selon l’angle d’observation, comme la nacre des coquillages. Les leucophores réfléchissent la lumière et accentuent l’intensité des couleurs, comme la couche d’apprêt sur la toile du peintre.
Certaines espèces des profondeurs présentent, quant à elles, des points lumineux bleus produits par une réaction chimique de bioluminescence.

 

  • T'as de beaux yeux tu sais !

La structure de l’œil du poulpe, de la seiche ou du calmar est étonnement ressemblante à celle de l’œil d’un Vertébré. On y trouve la cornée qui protège la surface de l’œil, le cristallin qui accommode la netteté, la pupille qui se rétracte ou se dilate en fonction de la quantité de lumière ambiante, l’iris coloré qui entoure la pupille et la rétine au fond de l’œil composée de neurones sensibles à la lumière. Bizarrement, le poulpe ne semble pas pouvoir distinguer les couleurs avec un seul type de photorécepteurs (nous en avons trois, sensibles au rouge, au vert et au bleu), alors qu’il est capable de se camoufler en fonction de ce qu’il voit de son environnement. En revanche, il est sensible à la lumière polarisée, la lumière qui est modifiée en traversant une proie transparente : une crevette en pleine eau lui apparaît claire sur un fond plus sombre, alors qu’elle est invisible pour l’œil humain. Le poulpe de Camille se trouve dans un aquarium, comme celui du Palais de la découverte [vidéo 2]. Je ne sais pas si ce dernier est capable d’apprécier la réfraction (et non pas la diffraction comme l'écrit Camille) quand il s’approche de la surface et qu’il sort même les yeux hors de l’eau, mais il a réussi par deux fois à m’arroser par de puissants et précis jets d’eau avec son siphon pendant les exposés publics !

Sosso est impressionnée, et elle n’est pas la seule, par les capacités de mémoire et d’apprentissage du poulpe, étonnantes pour un Mollusque, démontrées par des expériences de laboratoire et des observations en milieu naturel.

Il n'est pas surprenant que, depuis 2010, une directive européenne considère le poulpe et les autres Céphalopodes comme des espèces « sensibles », au même titre que tous les Vertébrés, pour en réglementer l’utilisation lors d’expérimentations en laboratoire. Sans remettre en cause toutes les capacités qu’on lui prête, notamment celle d’apprentissage par observation, certaines expériences anciennes seraient à refaire car biaisées par l’expérimentateur et les conditions d’élevage.

  • Confiné ou déconfiné ?

On termine par ce dessin riche en symboles. Un poulpe confiné dans un bocal, qui me fait penser à la fois à la situation de confinement que nous vivons encore en ce début du mois de mai et aux expériences scientifiques d’apprentissage chez les Céphalopodes, comme celle présentée habituellement au Palais de la découverte [vidéo 2]. Pensée particulière pour Marcel, notre attachant poulpe, que nous avons hâte de retrouver !
Références à la situation actuelle : #restedanstonbocal en signature nous rappelle discrètement les règles de vie collective du moment ; calendrier ouvert sur le « 11 mai », date dont nous parlons tous depuis quelques jours comme début probable du déconfinement ; et mention « + tard » sur l’autre calendrier rappelant l’incertitude qui domine. La sortie du bocal est donc pour bientôt « ou pas… », souligne la petite pieuvre noire. Jeu de mots bien trouvé entre « benthos » et « bientôt » ! En écologie, le « benthos » désigne l’ensemble des organismes qui vivent à proximité des fonds aquatiques, comme la plupart des espèces de poulpes. Elles sont benthiques, alors que d’autres espèces sont dites pélagiques car vivent en pleine eau.
Deux calendriers, deux dates, deux choix : simple constat sur l’incertitude de la date de déconfinement, ou bien ce poulpe parie-t-il entre deux dates, à l’instar de feu Paul, le poulpe pronostiqueur de matchs de la Coupe du monde de football 2010 ?


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