Astrophysique

La Voie lactée poussée par un vide

Pourquoi notre galaxie se déplace-t-elle dans l’espace à quelque 2,3 millions de kilomètres par heure ? Longtemps, l’hypothèse d’un Grand Attracteur a tenu lieu d’explication à ce déplacement. Le dernier évoqué, la très massive concentration d’amas de galaxies de Shapley située à 600 millions d’années lumière de nous, n’a jamais permis toutefois d’expliquer la puissance des forces d’attraction. Une équipe du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, du Centre national de la recherche scientifique, de l’université Claude-Bernard de Lyon, de l’université hébraïque de Jérusalem et de l’université d’Hawaï vient de lever le mystère. Les scientifiques ont découvert qu’à l’emplacement de notre galaxie, des forces répulsives et attractives d’importances comparables sont à l’œuvre. Ils ont émis l’hypothèse selon laquelle les forces répulsives seraient liées à l’existence d’un vaste vide extragalactique qui jouerait un rôle de repoussoir. Restait à « visualiser » ce vide. Pour le mettre en évidence, les chercheurs ont réalisé une cartographie en trois dimensions des mouvements de toute la matière visible, dite baryonique, et invisible, dite noire. La Voie lactée serait donc sous les influences conjuguées de l’attracteur Shapley, qui l’attire, et de cette vaste région vide, qui la repousse. Les astrophysiciens ont nommé Dipole Repeller (répulseur de dipôle) cette région faite de « rien », qu’ils se proposent d’explorer dorénavant. HUBERT DESRUES

Pour en savoir plus 
: http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4877.htm

Énergie

Le tokamak West teste les briques d’ITER

La production d’énergie par fusion nucléaire demeure l’un des grands espoirs du futur. Actuellement, ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), le plus puissant tokamak jamais construit, est en cours d’assemblage au centre de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Pour tester certains composants d’ITER, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) dispose d’un autre tokamak, Tore Supra. Construit sur le même site dans les années 1980, cette machine n’a cessé d’évoluer pour devenir West (Tungsten (W) Environnement in Steady-state Tokamak). Le 14 décembre 2016, ce réacteur a établi un record mondial avec un plasma maintenu à l’état stationnaire pendant 6 minutes pour une puissance extraite de 1 gigajoule (109 J). Le plasma, quatrième état de la matière, s’obtient en chauffant un gaz à plusieurs millions de degrés. Dans ce milieu, où noyaux et électrons ne sont plus liés, quand deux noyaux se percutent, ils fusionnent en donnant un noyau plus lourd et de l’énergie. West teste actuellement le divertor d’ITER. Ce composant a pour fonction d’extraire de la cuve de fusion l’essentiel des flux de chaleur, mais aussi les cendres de la réaction, de l’hélium. Pendant ces essais, plusieurs prototypes de divertors seront installés et éprouvés avant de procéder à la fabrication définitive du divertor d’ITER. H. D.

Pour en savoir plus : http://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/sciences-de-la-matiere/tokamak-west-premier-plasma.aspx

Physique

Découverte du muon

Au début des années 1930, les physiciens connaissaient quatre particules : le proton, l’électron, le neutron et le positon, encore appelé antiélectron, prédit par Paul Dirac (1902-1984). La découverte de ce dernier est due à Carl Anderson (1905-1991) en 1932, alors qu’il travaillait sur le rayonnement cosmique. L’étude de ce même rayonnement avec son étudiant Seth Neddermeyer (1907-1988) le conduit à annoncer en 1937 la mise au jour d’une nouvelle particule chargée négativement mais près de deux cents fois plus massive que l’électron. Elle est baptisée mésotron ou méson. Pendant quelques années, les physiciens pensent qu’il s’agit de la particule prédite par Hideki Yukawa (1907-1981), responsable de la liaison entre protons et neutrons au sein du noyau. Par la suite, il est démontré qu’il n’en est rien. La particule découverte par Anderson en 1937 est rebaptisée alors muon ; il s’agit d’un électron lourd. Quant à la particule de Yukawa, elle est identifiée en 1947 et baptisée méson pi ou pion. KAMIL FADEL

Pour en savoir plus
 : http://web.ihep.su/dbserv/compas/src/neddermeyer37/eng.pdf

Physique

Le Modèle standard fait de la résistance

Au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), l’équipe de l’expérience LHCb (Large Hadron Collider beauty experiment), installée sur l’anneau du Grand Collisionneur de hadrons, a rendu compte de l’observation d’un phénomène très rare, la désintégration de la particule BS0. Selon les prédictions théoriques, un tel événement ne devrait survenir qu’environ trois fois sur un milliard de collisions. La désintégration de cette particule formée d’un quark et d’un antiquark était considérée par les physiciens comme une piste potentielle vers une extension du Modèle standard qui, pour l’instant, constitue la meilleure description possible du monde subatomique. Pour cela, il aurait suffi que cette désintégration intervienne avec une probabilité plus élevée que trois fois sur un milliard. Or la mesure du LHCb apparaît sans appel. Avec une fiabilité mesurée très importante (7,8 d’écart type), la prédiction du Modèle standard se confirme de manière indiscutable. Les nombreux physiciens qui travaillent aujourd’hui à l’émergence de nouvelles théories devront tenir compte maintenant de cet important résultat. H. D.

Pour en savoir plus : http://home.cern/fr/about/updates/2017/02/standard-model-stands-its-ground

Technologie

Accélérer les déplacements des robots à six pattes

Pour le déplacement des robots hexapodes, les ingénieurs se sont inspirés des insectes. Munis également de six pattes, les insectes marchent en trépied, sur trois pattes, avec deux points d’appui d’un côté et un seul de l’autre. Une étude menée à l’École polytechnique fédérale de Lausanne montre que sur une surface parfaitement plane, ce type de démarche est bien moins rapide qu’une démarche en « bi-pod », où le robot hexapode n’utilise qu’une patte de chaque côté. Les chercheurs ont travaillé à la fois sur des simulations et des drosophiles (mouches du vinaigre). Les simulations ont montré que la marche en trépied est la plus efficace dès que l’adhésivité des pattes des insectes est sollicitée sur une surface en pente. Cependant, en recouvrant le système d’adhésion des pattes de drosophiles placées sur une surface plane, les chercheurs ont constaté que les mouches adoptent rapidement une marche sur deux pattes, une de chaque côté. En réalité, les insectes s’adaptent, alors que les robots ne sont pas dotés de cette faculté. Les chercheurs pensent que ce type d’étude apporte des connaissances aussi bien aux roboticiens qu’aux biologistes. H. D.

Pour en savoir plus
 : http://actu.epfl.ch/news/les-robots-a-six-pattes-plus-rapides-que-ce-qu-off/

Mathématiques

Des maths « pures » à l’informatique

En 1937, le mathématicien britannique Alan Turing (1912-1954), alors âgé de 25 ans, publie « Sur les nombres calculables », un article qui fera date. L’objectif de ce texte est de circonscrire le domaine de ce qui est « calculable », c’est-à-dire qui peut être obtenu en suivant une suite de règles strictes, fixées, et ce, de façon automatique, comme lorsqu’une multiplication est posée. Il décrit pour cela une machine totalement abstraite, la désormais célèbre machine de Turing. Elle est constituée d’une bande de papier infinie remplie de cases contenant des 0 et des 1, d’une tête de lecture pouvant se déplacer, lire et modifier le contenu de ces cases ainsi que son propre « état », et d’un programme donnant ses instructions à la tête de lecture. Ce fonctionnement extrêmement basique permet, comme le prouve Turing, de calculer tout ce que l’on peut espérer calculer un jour. La question de savoir comment ces machines pourraient fonctionner réellement ne constitue pas le cœur du sujet. Les machines de Turing sont donc purement virtuelles. Pour l’instant… Et l’on se prend à rêver : ah, si Turing avait eu l’un de nos ordinateurs entre les mains... qu’en aurait-il fait ? ROBIN JAMET

Pour en savoir plus : https://www.cs.virginia.edu/~robins/Turing_Paper_1936.pdf ; http://www.cnrs.fr/fr/pdf/jdc/Turing.pdf  

Chimie

Une nouvelle fibre textile brevetée, le Nylon

Le 16 février 1937, le Dr Wallace Carothers (1896-1937), de la société Du Pont de Nemours (aujourd’hui DuPont), dépose le brevet du nylon aux États-Unis. Fibre textile synthétique révolutionnaire inventée deux années auparavant, le nylon est obtenu par polycondensation entre un diacide carboxylique et une diamine. Son inventeur, brillant mais dépressif, se suicidera le 29 avril 1937 en s’empoisonnant au cyanure de potassium, sans laisser d’explication. Cette nouvelle fibre, présentant une élasticité et une résistance remarquables, remplace immédiatement les poils de porc utilisés jusqu’ici pour la fabrication de brosses à dents. Son ascension ne s’arrête pas là. Employé pour la confection de bas pour femmes résistants, le nylon est utilisé aussi pour réaliser des pièces mécaniques dans l’industrie automobile ou alimentaire, ou encore des vêtements et des parachutes. Une véritable révolution ! VÉRONIQUE POLONOVSKI et FRÉDÉRIQUE SALPIN

Pour en savoir plus : https://www.acs.org/content/acs/en/education/whatischemistry/landmarks/carotherspolymers.html 

Chimie

1937, naissance, mort et prix Nobel de chimie

Trois événements ayant pour dénominateur commun le prix Nobel de chimie se sont déroulés en 1937. Le 18 juillet naît Roald Hoffmann, chimiste théoricien américain, qui obtiendra en 1981 le prix Nobel de chimie avec le Japonais Ken’ichi Fukui (1918-1998) pour leurs théories, développées indépendamment, sur le mécanisme des réactions chimiques. Puis, le 30 août meurt Ernest Rutherford (1871-1937), physicien et chimiste néo-zélando-britannique. Considéré comme le père de la physique nucléaire (un modèle atomique porte son nom), il avait reçu en 1908 le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur la désintégration des éléments et la chimie des substances radioactives. Enfin, en 1937, le prix Nobel de chimie est décerné à deux hommes : au Suisse Paul Karrer (1889-1971) pour ses recherches sur les caroténoïdes, les flavines et les vitamines A et B2, et au Britannique Norman Haworth (1883-1950) pour ses recherches sur les carbohydrates et la vitamine C. V. P. et F. S.

Pour en savoir plus : https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/chemistry/laureates

Santé

Dioxyde de titane, l’exposition orale mise en cause

Le dioxyde de titane (TiO2) est utilisé comme additif dans de nombreux aliments et produits cosmétiques, comme des confiseries ou certains dentifrices. Connu sous le code E171, il se compose de micro- et nanoparticules (10 à 40 %). Récemment, le Centre international de recherche sur le cancer a classé le TiO2 parmi les éléments cancérigènes possibles pour l’Homme dans le cadre d’une exposition professionnelle par inhalation. Aujourd’hui, il est légitime de s’interroger sur l’exposition de la population à cet additif, et particulièrement des enfants, gros consommateurs de confiseries. Une équipe de l’Institut national de la recherche agronomique a effectué plusieurs expérimentations sur des rats afin de mesurer les effets d’une exposition orale à 10 milligrammes de TiO2 par kilogramme de poids et par jour. Selon les données de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, cette dose correspond à la prise alimentaire humaine. Il ressort que le TiO2 franchit bien la barrière intestinale et se retrouve dans la circulation sanguine. Dans l’intestin et la rate, les nanoparticules qui le composent provoquent des déséquilibres des fonctions immunitaires. Enfin, absorbé oralement de manière chronique, le TiO2 induit l’apparition de stades précoces de la cancérogenèse colorectale. H. D.

Pour en savoir plus : http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Additif-alimentaire-E171

Sciences de la Terre

Et l’Antarctique se couvrit de glaces

Il y a 34 millions d’années, à la Grande Coupure entre l’Éocène et l’Oligocène, le continent Antarctique s’est recouvert très rapidement de nappes glaciaires. Pour rendre compte de ce phénomène, deux théories sont généralement proposées. La première évoque une baisse du CO2 (dioxyde de carbone) atmosphérique pour expliquer la chute de 4 à 6 °C des températures à la fin de l’Éocène. La seconde fait référence à la mise en place, il y a 35 millions d’années, du courant circumpolaire qui a remanié la circulation des eaux autour de l’Antarctique. En 2012, une équipe franco-norvégienne suggérait qu’aucune des deux hypothèses ne permettait d’expliquer totalement le phénomène, mais privilégiait la diminution du CO2. Une équipe de l’université McGill à Montréal (Canada) vient de proposer un scénario qui couple les deux hypothèses et montre la complexité du forçage climatique. La mise en place du courant circumpolaire aurait entraîné les eaux chaudes vers le nord, augmentant les précipitations dans ces régions. Ces précipitations auraient amplifié le phénomène d’altération des silicates qui avait commencé pendant l’Éocène chaud. Ainsi,  la captation de CO2 par les roches au contact de l’eau a permis une diminution de l’effet de serre et une forte baisse des températures. H. D.
Pour en savoir plus : http://www.mcgill.ca/newsroom/fr/channels/news/la-naissance-de-lantarctique-265483

Médecine

Avancée vers une médecine régénérative

Si elle veut se développer, la médecine régénérative a besoin de reprogrammer en quantité des cellules adultes déjà différenciées. Grâce aux travaux du prix Nobel de médecine japonais Shinya Yamanaka (Découverte n° 383, nov.-déc. 2012, p. 08-09), il est possible désormais de faire revenir à un état pluripotent des cellules différenciées. Ces cellules « reprogrammées », dites iPS, seront capables ensuite de donner n’importe quel type de cellules spécialisées. Mais le processus reste délicat et parfois incertain. Dans une récente expérimentation, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du Centre national de la recherche scientifique se sont attachés à la reprogrammation de cellules souches musculaires de souris. En provoquant une lésion musculaire, ils ont induit chez l’animal l’apparition de cellules sénescentes qui ne prolifèrent plus. De manière inattendue, ils ont constaté que la reprogrammation des cellules souches musculaires en iPS était plus efficace en présence de ces cellules sénescentes. Une analyse de ces dernières a montré qu’elles produisaient de l’interleukine (IL-6), qui favoriserait la reprogrammation cellulaire. Ces travaux se poursuivent et l’enjeu consistera à parvenir à programmer le devenir des cellules non différenciées obtenues, en les orientant vers des types cellulaires précis exploitables en médecine régénérative. H. D.

Pour en savoir plus 
: https://www.pasteur.fr/fr/medecine-regenerative-cellules-senescentes-renfort-reprogrammation-cellulaire

Physiologie

Les débuts d’un cycle

En 1937, le médecin allemand Hans A. Krebs (1900-1981) fait un pas de plus dans la compréhension du processus de production d’énergie par nos cellules. Jusqu’alors, on savait que la dégradation des sucres permettait cette production. Les premières étapes du processus de dégradation avaient été élucidées. Les dernières aussi : elles aboutissent à mobiliser des électrons « à haute énergie » lesquels, par un procédé en partie connu également, permettent à nos cellules d’obtenir leur énergie. Ne restait plus qu’à établir le lien entre les deux. Ce sera chose faite avec les travaux du docteur Krebs dont le mérite a été de montrer qu’une suite de réactions chimiques, fonctionnant en boucle, était la pièce manquante du puzzle. Bien qu’elle lui ait valu le prix Nobel de physiologie/médecine en 1953, la découverte de Krebs n’a  pas été, à l’époque, estimée à sa juste valeur par la prestigieuse revue Nature, qui n’a pas cru bon de la publier. « Notre erreur la plus monumentale » reconnaîtra son rédacteur en chef cinquante ans après. Dans quelle partie de la cellule se déroule ce cycle de Krebs ? En 1948, les scientifiques le localisent dans des petits organites cellulaires, les mitochondries. Puis, en 1961, le chimiste britannique Peter Mitchell (1920-1992) montre que les électrons permettent la synthèse de molécules d’ATP (adénosine triphosphate), qui se révèleront être le véritable carburant des cellules. PHILIPPE LAVAIVRE

Pour en savoir plus 
: http://perso.uclouvain.be/alain.amar-costesec/chapitre-4