Physique

KATRIN pèse les neutrinos

La mesure de la masse du neutrino est un enjeu capital pour les physiciens (Découverte n° 420, janv.-fév. 2019, p. 5). En septembre 2019, les chercheurs de l’expérience KATRIN (Karlsruhe Tritium Neutrino Experiment) ont livré leurs premiers résultats. Contrairement aux autres mesures de la masse du neutrino nécessitant l’élaboration d’un modèle, KATRIN établit sa mesure à partir d’une expérience bien maîtrisée : la désintégration bêta. Un gaz de tritium de haute pureté a circulé pendant quatre semaines dans le cryostat de la machine, permettant de recueillir une importante masse de données issues des désintégrations. L’une des principales difficultés de l’expérience réside dans le fait que seulement une désintégration du tritium sur un milliard présente un intérêt pour mesurer la masse du neutrino. Trois équipes ont travaillé séparément sur l’analyse des données. Ainsi, les résultats de chaque équipe demeuraient totalement indépendants. Selon le coordinateur de l’analyse, « aucun membre de l’équipe n’était en mesure de déduire prématurément le résultat de la masse de neutrinos avant la dernière étape de l’analyse. » Pour l’instant, les mesures de KATRIN réduisent d’un facteur deux les erreurs de mesure des expériences précédentes. Les premiers résultats sont compatibles avec une masse du neutrino électronique de 1,1 électronvolt. HUBERT DESRUES

Pour en savoir plus 
: actualité du CEA

Astrophysique

Dans les galaxies naines, un simple effet de marée remplacerait la matière sombre

La matière sombre est indispensable aujourd’hui pour expliquer la cohésion des galaxies. Sans la gravité qu’elle ajoute à celle de la matière visible, impossible de rendre compte du mouvement observé des étoiles dans les galaxies. Les chercheurs pensent même qu’elle serait très abondante dans les galaxies naines entourant la Voie lactée. Galaxies que l’on imagine bien installées dans notre voisinage depuis plusieurs milliards d’années. Une équipe franco-chinoise de l’Observatoire de Paris et des observatoires astronomiques nationaux de l’Académie des sciences de Chine vient ébranler ce bel édifice. En s’appuyant sur des données et observations récentes, les cosmologistes ont constaté que les orbites des galaxies naines plaidaient en faveur de leur capture récente par la Voie lactée. Ils ont bâti un scénario en quatre étapes décrivant comment de très petites galaxies irrégulières ont été attirées par la Voie lactée, malmenées par ses effets gravitationnels, réorganisées sous l’action de chocs de marée et leurs étoiles maintenues en état d’agitation permanente. Dans ce scénario, la matière sombre ne trouve aucune place. Pire, elle ne permet pas de reproduire l’ensemble des phénomènes que les chocs de marée expliquent parfaitement. Si ce scénario était validé, il aurait d’importantes répercussions sur tous les modèles et toutes les théories qui nous permettent de comprendre l’Univers. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'Observatoire de Paris - PSL

Astrophysique

Cinq mille yeux pour traquer l’énergie noire

Pour expliquer l’accélération de l’expansion de l’Univers depuis cinq milliards d’années, le Modèle standard de la cosmologie a posé l’existence, au sein des galaxies, d’une énergie noire, une composante inconnue jamais directement observée. Pour tenter de percer le mystère de cette énergie, la collaboration DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrument) regroupe quelque 500 chercheurs de 13 pays, dont la France. Le principe de l’instrument est simple. Il enregistre le spectre d’objets célestes dans l’ultraviolet, le visible et l’infrarouge, spectre qui est acheminé ensuite vers dix spectrographes pour analyse. DESI, dont la mission s’étendra sur cinq ans, est chargé de cartographier l’histoire de l’Univers afin d’en comprendre la composition. Pour accomplir cette tâche, l’appareil est doté de 5 000 yeux à fibres optiques capables de mesurer et analyser le spectre de 5 000 objets célestes toutes les 20 minutes. En cinq ans, DESI devrait cartographier la position et la distance de 35 millions de galaxies et 2,4 millions de quasars. L’instrument est conçu de manière à pointer automatiquement ses 5 000 yeux vers une liste précise de galaxies et quasars grâce à 5 000 positionneurs robotisés. Le dispositif offre la possibilité de passer d’un choix de 5 000 galaxies à un autre en deux minutes. DESI permettra de dresser ainsi la carte la plus dense sur la plus grande étendue jamais observée. H. D.

Pour en savoir plus
 : communiqué de presse du CEA

Mathématiques

Les maths au secours de Jeanne Calment

Avec une longévité de 122 ans et 165 jours, Jeanne Calment demeure l’être humain ayant vécu le plus longtemps. Récemment, un mathématicien russe a émis l’hypothèse qu’il était impossible statistiquement qu’un être humain vive 122 ans. Pourtant, le démographe Jean-Marie Robine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale avait rencontré plusieurs fois Jeanne Calment, homologuant ainsi son statut de « doyenne de l’humanité ». Avec un professeur de l’Université de Genève, il a repris le dossier pour répondre à une interrogation : est-il possible de vivre jusqu’à 122 ans ? Les chercheurs ont conçu « un modèle probabiliste basé sur des données démographiques solides » et travaillé sur deux populations. D’une part, la totalité des personnes nées en France en 1875, la même année que Jeanne Calment. D’autre part, la totalité des gens nés en France en 1903, la dernière cohorte dont il ne reste plus personne en vie. Sur ces deux populations, des probabilités de survie à plus de 100 ans ont été calculées et appliquées à une population virtuelle de 100 000 centenaires, afin de déterminer leur âge maximal d’extinction. « Nous arrivons à un âge compris entre 119 et 123 ans. Ainsi tous les 10 millions de centenaires, une personne peut atteindre 123 ans. » H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'Université de Genève

Santé

Amélioration du vieillissement par action sur le cerveau

Des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sont parvenus à accroître de 33 % l’espérance de vie en bonne santé chez des souris. Cette performance s’accompagnait d’un pelage plus beau, d’une meilleure motricité ou encore d’un stockage des graisses moins important. Ces caractéristiques témoignent d’une atténuation des marques du vieillissement, ce dernier entraînant d’ordinaire une altération des fonctions physiologiques et l’apparition de maladies. Ces résultats ont été obtenus en inactivant des facteurs de transcription exprimés par des interneurones GABAergiques. Les chercheurs ont confirmé ainsi leur hypothèse selon laquelle le cerveau peut agir sur la longévité et le maintien d’une bonne santé au cours du vieillissement. Cette étude confère une meilleure compréhension de la manière dont le cerveau peut réguler les mécanismes de la sénescence. De plus, elle constitue un point de départ pour le développement de moyens thérapeutiques spécifiques pour traiter les effets délétères du vieillissement. GAËLLE COURTY

Pour en savoir plus
 : communiqué de presse du MNHN

Médecine

Shigella, une bactérie qui ne manque pas d’oxygène

Des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l’Institut Pasteur ont éclairci les mécanismes de virulence de Shigella. Cette bactérie intestinale est responsable de la dysenterie bacillaire ou shigellose, qui touche en majorité des jeunes enfants issus de milieux tropicaux et de pays en développement confrontés à des problèmes d’insalubrité. Cette entérobactérie doit sa virulence à sa capacité à survivre aussi bien en milieux oxygénés, hypoxiques (pauvres en oxygène) et anoxiques (sans oxygène), en pratiquant respiration aérobie ou anaérobie selon les conditions environnementales. De plus, elle est capable de moduler l’oxygénation tissulaire. Après avoir été ingérée et avoir franchi la paroi intestinale, Shigella envahit massivement la muqueuse colique. Par respiration aérobie, elle appauvrit le milieu en oxygène, créant des foyers infectieux hypoxiques qui participent au succès de sa stratégie de colonisation. Les colonies s’épanouissent dans ces zones pauvres en oxygène grâce à la respiration anaérobie, tandis que des bactéries isolées gagnent d’autres zones plus riches en oxygène, sans en épuiser les réserves. Ces découvertes offrent de nouvelles pistes pour l’élaboration de traitements médicamenteux, sous forme d’antibiotiques plus performants que ceux utilisés actuellement ou de vaccins. Shigella est une cible prioritaire de l’Organisation mondiale de la santé, classée parmi les douze bactéries les plus pathogènes. G. C.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'Institut Pasteur

Santé

Une molécule du sang impliquée dans la perte de poids et le vieillissement

Une bonne hygiène de vie incluant restrictions caloriques et périodes de jeûne peut diminuer les risques cardiovasculaires et l’apparition de cancer, tout en augmentant la production de nouveaux neurones dans le cerveau. Lors d’une étude, des scientifiques ont injecté le sang d’une jeune souris chez des sujets âgés, provoquant une cascade d’effets bénéfiques sur les vaisseaux sanguins, notamment dans le cerveau où la neurogenèse a été stimulée. Une équipe de l’Institut Pasteur en avait déduit que la restriction calorique et la composition du sang jeune menaient toutes deux à un rajeunissement des organes. Les chercheurs ont porté leur attention sur une protéine, GDF11 (growth differentiation factor 11), impliquée dans le développement embryonnaire et dont les effets sur le cerveau âgé étaient connus. Par une série d’expériences sur des souris, ils ont montré que la protéine entraînait une perte de poids comparable à une restriction calorique. Dans un second temps, ils ont constaté que les animaux ayant reçu GDF11 présentaient des niveaux élevés d’une hormone, qui engendre elle aussi des modifications métaboliques aboutissant à la formation de nouveaux neurones dans le cerveau. GDF11 ouvrirait donc une possible voie vers des thérapies contre des maladies neurodégénératives ou l’obésité. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'Institut Pasteur

Neurosciences

Le sommeil stabilise nos souvenirs

Nous savions que notre cerveau utilise les temps de sommeil pour « mettre de l’ordre » dans ce que nous avons acquis au cours de nos activités diurnes. Régulièrement, l’hippocampe se réactive spontanément et transmet des informations au cortex. Puis le cerveau semble se reposer durant une période appelée onde delta, avant de reprendre une activité rythmée nommée fuseau de sommeil. Ce cycle se produit plusieurs fois pendant la nuit. Une équipe du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (Paris) vient de découvrir que la période onde delta n’est pas un réel temps de repos. Durant cette période, quelques neurones s’organisent en petits groupes pour effectuer des opérations de codage complexes à l’abri d’éventuelles perturbations. Les chercheurs ont montré que pendant ses périodes de réactivation, l’hippocampe détermine quels neurones corticaux vont rester actifs lors des ondes delta. De plus, ils ont constaté que les groupes de neurones ainsi activés comportent des neurones ayant été fortement sollicités par des actions d’apprentissage au cours de la journée. Les chercheurs pensent que ces processus participent à la consolidation de la mémoire. La période onde delta permettrait de transmettre une information importante pour constituer des souvenirs à long terme. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse de l'INSERM

Énergie

Des bactéries productrices d’hydrocarbures volatils

En modifiant génétiquement la bactérie modèle Escherichia coli, des chercheurs de l’Institut de biosciences et biotechnologies d’Aix-Marseille ont obtenu une culture produisant en continu d’importantes quantités d’hydrocarbures volatils. Ils ont introduit dans la bactérie un gène de plante permettant de raccourcir les acides gras synthétisés naturellement par la bactérie et un gène de microalgue qui transforme ces acides gras raccourcis en hydrocarbures. Finalement, ils ont obtenu des hydrocarbures très volatils et purs, dont la combustion dégage peu de particules fines. À terme, les chercheurs souhaitent appliquer ce procédé à un microorganisme photosynthétique qui utilisera la lumière comme source d’énergie et le dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère comme source de carbone. Par rapport à d’autres techniques visant à faire produire des carburants à des microorganismes, ce procédé se révèle bien plus économique. Il élimine en particulier la culture et la récolte de la biomasse, l’extraction des produits à transformer, leur transformation chimique en carburants et tout raffinage du produit fini, directement utilisable ici. H. D.

Pour en savoir plus : communiqué de presse du CEA

Technologie

Une nouvelle peau synthétique performante

Des chercheurs de l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) ont élaboré une peau artificielle tactile, souple et élastique. Cette dernière est constituée d’une poche de silicone dans laquelle de l’air peut être injecté. Elle est munie également d’électrodes en or et gallium, et équipée de capteurs et d’actuateurs. Cette technologie est capable de délivrer des sensations haptiques à celui qui la porte par le biais du gonflement et du dégonflement rapides de la chambre siliconée. Ces informations riches sont délivrées sous forme de pressions (force) et de vibrations allant jusqu’à cent impulsions par seconde. Un système de mesure continue de la déformation de cette peau électronique permet d’ajuster en temps réel les stimulations transmises. L’ensemble de ces caractéristiques procure une restitution assez fidèle du sens du toucher. Ce petit bijou technologique est destiné ainsi à la réadaptation médicale ou à la réalité augmentée et virtuelle. G. C.

Pour en savoir plus : actualité de l'EPFL

Biologie

Le secret de la réplication du virus du chikungunya

Maladie infectieuse transmise par les moustiques, le chikungunya s’étend aujourd’hui à de nombreuses zones géographiques du globe. Ses manifestations cliniques – douleurs musculaires et articulaires, forte fièvre – sont connues et bien décrites. Cependant, les mécanismes par lesquels le virus infecte les cellules humaines et se multiplie restent mal compris. Pourquoi le virus cible-t-il de préférence les cellules des muscles et des articulations ? Quels facteurs de ces cellules hôtes interviennent dans la réplication du virus ? Une équipe composée de chercheurs de deux hôpitaux parisiens (Saint-Louis et Necker-Enfants malades) s’est intéressée à la protéine FHL1 (four and a half LIM domains protein 1) exprimée dans les muscles squelettiques et impliquée dans de nombreuses dystrophies musculaires. Après avoir isolé le gène codant pour cette molécule, les scientifiques ont montré par une série d’expérimentations sur des souris et d’observations sur des malades que le virus ne parvenait pas à infecter des cellules dont l’expression de FHL1 a été abolie. Les chercheurs ont découvert que FHL1 se lie à une protéine du virus pour permettre sa réplication. Ils pensent que la compréhension de ce mécanisme pourrait aboutir au développement de nouveaux antiviraux. H. D.

Pour en savoir plus 
: communiqué de presse de l'INSERM

Environnement

Composition des communautés microbiennes atmosphériques

La couche atmosphérique dans laquelle nous vivons est très dense en particules d’origine biologique. Ces microorganismes influencent notre santé, la formation des nuages et la formation ou la consommation de composés chimiques présents dans l’atmosphère. Les chercheurs du projet INHALE (Investigating the Atmosphere as an Ecosystem) ont prélevé une centaine d’échantillons atmosphériques sur neuf sites répartis à travers le monde. Une équipe de scientifiques français a entrepris de déterminer la composition chimique des échantillons, ainsi que l’analyse de l’ADN (acide désoxyribonucléique) microbien qu’ils contiennent. Ils ont trouvé jusqu’à plusieurs millions de cellules bactériennes par mètre cube d’air sur des sites désertiques de haute altitude, contre une centaine sur un site proche du pôle Nord. Ils ont montré que les écosystèmes entourant les sites de prélèvement dans un rayon de 50 kilomètres jouent un rôle déterminant dans la composition microbienne de l’atmosphère. En dehors d’événements météorologiques violents, le transport de particules à partir d’écosystèmes lointains serait marginal. Les conditions météorologiques locales et la diversité en écosystèmes proches régulent les communautés microbiennes atmosphériques au cours du temps. H. D.

Pour en savoir plus 
: fait marquant de l'Institut des géosciences de l'environnement